Dans le camp de déplacés de Kwamouth, Kiwangula Dira, capita d’un pavillon, enterre ses voisins comme d’autres balaient la poussière. « La 133ᵉ personne a été inhumée le 13 juin. Les dépôts où nous dormons n’ont ni lit ni natte. On ne vit pas, on vivote », lâche-t-il, la voix brisée par l’accumulation de cercueils. Ce témoignage glaçant illustre l’effroyable bilan dévoilé par le Réseau de défense des droits des déplacés internes : au moins 3000 morts et 550 000 personnes jetées sur les routes depuis juin 2022 dans le Grand Bandundu, sous l’effet des violences Mobondo.
Le rapport, fruit de données collectées par les ONG humanitaires, dresse un constat d’urgence absolue. Symphorien Kwengo, président du Réseau, alerte : « Les déplacés survivent sans accès à la nourriture, aux soins, à l’eau potable ou à l’éducation. Cette précarité tue, via la malnutrition et les maladies hydriques ». À Bagata, Popokabaka ou Kinshasa, les familles s’entassent dans des abris de fortune, tandis que les milices ont systématiquement brûlé maisons, écoles et églises, sabotant toute perspective de retour.
Comment en est-on arrivé à cette crise humanitaire ? Tout commence le 12 juin 2022 à Masiakwa, Maï-Ndombe, par un conflit intercommunautaire entre Teke et Yaka. Un désaccord sur la redevance coutumière – passée brutalement de un à cinq sacs par récolte – dégénère en expulsion violente des Yaka de Kwamouth. Les villages de Ngambomi, Béthanie ou Kinsele deviennent l’épicentre d’une guerre éclair : massacres de civils, déplacements massifs, naissance d’une milice structurée défiant l’armée.
Face à l’ampleur des violences Kwamouth, l’impuissance politique est criante. Le député Garry Sakata, élu de la région, confie son désespoir : « Après des plaidoyers répétés, je suis réduit à l’impuissance. Le gouvernement n’a agi qu’au début, puis silence radio depuis 2022 ! Nous assistons à une crise oubliée ». Il évoque aussi le drame invisible : « Pitié pour ces orphelins et veuves sans droits, ces enfants déscolarisés dont les parents ont été tués ».
La situation des déplacés internes Bandundu pose une question brûlante : combien de morts faudra-t-il encore pour réveiller les consciences ? Entre l’insécurité persistante et la destruction des infrastructures, le retour semble chimérique. « Retrouver nos villages demande des moyens et une sécurité que nous n’avons pas », insiste Kiwangula Dira. Les besoins sont clairs : désarmer les milices, reconstruire les villages, organiser un retour digne.
Ce rapport droits déplacés sonne comme un électrochoc. Alors que le conflit Teke Yaka a muté en une machine à tuer bien huilée, la communauté internationale et les autorités congolaises parviendront-elles à briser ce cycle infernal ? Sans action immédiate, les camps de déplacés risquent de devenir les cimetières à ciel ouvert d’une génération sacrifiée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd