La ville de Boma, au Kongo-Central, traverse une crise socio-économique dont les racines plongent dans la fermeture, il y a neuf ans, de l’usine Bralima. Un cas d’école qui illustre les conséquences en cascade d’un désinvestissement industriel : chômage endémique, insécurité galopante et délitement du tissu social. Selon les dernières estimations de la société civile locale, plus de 60% des jeunes de la ville seraient sans emploi stable, un terreau fertile pour la criminalité urbaine qui a bondi de 40% depuis 2016.
Un effondrement en chaine
L’arrêt brutal de la Bralima – fleuron brassicole produisant bières et sodas – n’est pas un simple fait divers industriel. Cette fermeture, déclenchée par une hausse vertigineuse de 50% des droits d’accises et une augmentation de 20% des coûts énergétiques, a sonné le glas d’un écosystème économique entier. « Une usine, c’est un poumon qui oxygène toute une région », analyse Titty Mpungu, coordonnateur de la société civile bomaise. « Quand il s’arrête, ce sont les commerces satellites, les transporteurs, et même les agriculteurs fournisseurs qui suffoquent. »
Double peine : concurrence déloyale et effritement frontalier
Le marasme s’est aggravé avec ce que les économistes appellent « un dumping frontalier ». L’importation illicite de boissons angolaises à bas prix – jusqu’à 30% moins chères que les produits locaux – a asphyxié les survivants du secteur. Dans le même temps, le marché d’exportation vers Cabinda s’est évaporé avec la crise économique angolaise, privant la région d’un débouché stratégique. Résultat : une hémorragie de devises estimée à 2 millions USD annuels selon les experts locaux.
L’urgence d’une relance industrielle
Face à cette spirale infernale, la société civile tire la sonnette d’alarme. Sa proposition-choc : une réouverture urgente de la Bralima couplée à un plan de relance des PME locales. « Chaque jour perdu creuse le déficit social », insiste Mpungu. Les chiffres donnent raison à cet appel : avant 2016, l’usine employait directement 450 personnes et générait près de 1 500 emplois indirects. Un impact qui représentait 15% du PIB local selon la chambre de commerce.
Quelles solutions durables ?
Les pistes de sortie de crise passent par un dialogue tripartite. D’abord, une renégociation des fiscalités sectorielles avec Kinshasa pour alléger la pression sur les industries. Ensuite, un durcissement des contrôles frontaliers pour endiguer la contrebande. Enfin, des incitations à l’investissement privé via des partenariats public-privé. « La relance industrielle n’est pas une option, c’est une urgence sécuritaire », martèle un rapport récent de la plateforme citoyenne.
Alors que Boma se débat dans ce cercle vicieux, une question persiste : la réouverture des usines endormies suffira-t-elle à ressusciter l’économie locale, ou faut-il repenser entièrement le modèle de développement du Kongo-Central ? Le temps presse : chaque mois supplémentaire d’inactivité coûte à la région l’équivalent de 200 emplois potentiels, selon les projections des analystes.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net