La ville de Bukavu pleure ses enfants. Une pluie diluvienne, s’abattant comme un déluge vengeur dans la nuit du 11 août, a transformé la commune de Kadutu en paysage de désolation. Bilan immédiat : cinq vies fauchées, des dizaines de maisons submergées, et une communauté entière confrontée à l’effroi. À Buholo 3, quartier martyr de cette catastrophe naturelle en RDC, les murs ont cédé sous la fureur des éléments, ensevelissant quatre habitants dans leur sommeil. Un cinquième, évacué dans l’urgence, a succombé à ses blessures au petit matin. Une scène macabre que le chef de quartier Patrick Lubala décrit avec une voix nouée d’émotion : “Le désastre a frappé vers 1 heure, laissant derrière lui un silence de mort”.
Bukavu suffoque sous les eaux, et Kadutu paie le plus lourd tribut. Ces éboulements de terre, qui rythment désormais les saisons pluvieuses au Sud-Kivu, ne sont pourtant pas une fatalité. Ils sont le fruit amer d’une urbanisation anarchique où les normes élémentaires de construction sont foulées aux pieds. Les collines surpeuplées, grignotées par des habitations précaires, ne résistent plus aux assauts des pluies diluviennes. Le sol, dénudé et fragilisé, glisse inexorablement vers les vallées, emportant tout sur son passage. Combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant une prise de conscience ?
Cette tragédie résonne comme un sinistre écho au drame de décembre 2023, où 21 personnes avaient péri dans des inondations similaires. Trois fois hélas ! La mémoire courte des décideurs condamne les mêmes populations aux mêmes désastres. Des sessions de réflexion ont bien été organisées, des experts ont planché sur des solutions… pour quel résultat ? Les propositions d’élargissement urbain vers des zones moins vulnérables dorment dans les tiroirs, en attente d’un accompagnement gouvernemental qui tarde désespérément. L’urgence climatique se heurte à l’immobilisme politique, et les citoyens paient cet abandon au prix du sang.
L’urbanisme à Bukavu est devenu une question de vie ou de mort. Les spécialistes tirent la sonnette d’alarme : sans restructuration radicale et application stricte des normes de construction, chaque saison des pluies se transformera en roulette russe pour les habitants des quartiers précaires. Les solutions existent : relocalisation des zones à risque, renforcement des bassins de rétention, reboisement d’urgence des collines érodées. Mais ces mesures demandent courage politique et investissements conséquents. Jusqu’à quand laissera-t-on les plus pauvres servir de boucliers humains contre les colères du ciel ?
La terre de Kadutu, gorgée d’eau et de larmes, crie sa détresse. Ces cinq victimes s’ajoutent à la longue liste des oubliés des politiques urbaines. Leur mort exige plus que des condoléances officielles – elle réclame des actes forts. Car chaque goutte de pluie qui tombe désormais sur Bukavu sonne comme un funeste rappel : la prochaine catastrophe naturelle n’est qu’une averse away. L’heure n’est plus aux diagnostics, mais à la mobilisation générale. Avant que la ville ne devienne un cimetière à ciel ouvert.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net