Marie*, mère de trois enfants, serre contre elle un maigre paquet de vivres devant les lourdes portes de la prison de Kakwangura à Butembo. Pour la troisième fois cette semaine, on lui refuse l’accès à son mari incarcéré. Motif ? Elle n’a pas les 2000 francs congolais exigés par les gardiens. « Comment nourrir mes enfants et payer pour un droit ? » lâche-t-elle, les larmes aux yeux. Son calvaire illustre une réalité systémique dénoncée avec virulence par la coordination urbaine de la société civile forces vives de Butembo.
Dans un communiqué cinglant rendu public ce lundi 23 juin, l’organisation a levé le voile sur une corruption carcérale qui transforme les visites familiales en lucratif business. Les gardiens de la prison urbaine de Kakwangura imposeraient illégalement des frais aux proches des détenus, créant ainsi une discrimination économique inacceptable. « Seuls les nantis peuvent maintenir des liens familiaux », déplore un membre de la société civile sous couvert d’anonymat. Cette pratique pernicieuse constitue une violation flagrante des droits détenus au Nord-Kivu, région déjà minée par les conflits.
Les conséquences sociales sont brutales. Pour les familles démunies comme celle de Marie, chaque visite refusée signifie non seulement une détresse psychologique, mais aussi l’impossibilité d’apporter des compléments alimentaires vitaux dans un système pénitentiaire où la malnutrition fait des ravages. « Mon fils maigrit à vue d’œil depuis qu’on me bloque à l’entrée », confie un père rencontré devant le centre de détention. La société civile pointe du doigt une logique perverse : des agents de sécurité détourneraient leur mission républicaine pour s’enrichir personnellement, piétinant allègrement les principes fondamentaux des droits humains.
Face à ces abus carcéraux en RDC, l’appel à l’action est clair. La coordination exige du maire de Butembo des mesures immédiates pour interdire ce racket organisé. Elle somme l’auditeur militaire d’ouvrir une enquête rigoureuse pour identifier et sanctionner les responsables. « La dignité humaine ne doit pas être monnayée, même derrière les barreaux », tonne le communiqué, rappelant le caractère inaliénable et gratuit du droit de visite. Jusqu’où cette marchandisation des droits fondamentaux va-t-elle s’étendre ?
En filigrane, ce scandale à Butembo révèle une crise plus profonde du système judiciaire congolais. Comment expliquer que des pratiques aussi ouvertement illégales persistent sans contrôle ? La société civile encourage désormais les familles à résister collectivement en refusant de s’acquitter de ces taxes illicites. Pendant ce temps, les autorités pénitentiaires gardent un silence assourdissant face aux accusations. Ce mutisme pose une question cruciale : cette corruption prison Butembo bénéficie-t-elle de complicités plus haut placées ? L’urgence est désormais d’empêcher que les murs de Kakwangura ne deviennent le symbole d’une justice à deux vitesses.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net