Les mains tremblantes d’Euphrasie Mudabahiga serrent le sac de farine de maïs comme une promesse de survie. Cette veuve mère de cinq enfants, survivante des camps de déplacés autour de Goma, fait partie des milliers de bénéficiaires de l’aide alimentaire Croix-Rouge RDC qui soulage le groupement de Rugari. « La Croix-Rouge est venue nous assister. Je viens de recevoir des provisions de farine, du riz, des haricots, de l’huile et du sel. Nous disons merci pour cette aide », confie-t-elle, les larmes aux yeux, devant sa maison endommagée de la chefferie de Bwisha.
Depuis lundi 26 mai, un convoi humanitaire parcourt les pistes chaotiques du territoire de Rutshuru pour atteindre près de 10 000 familles en détresse. Parmi les 9 875 ménages secourus, plus de 8 800 sont des retournés Bwisha – ces déplacés Rugari Nord-Kivu qui ont osé revenir dans leurs villages après le démantèlement des camps surpeuplés. Un millier d’autres, ces héros anonymes, ont tenu bon malgré les violences persistantes. Comment reconstruire quand les greniers sont vides et les champs abandonnés ?
Guillain Lifendi, agent terrain de la Croix-Rouge, détaille l’assistance humanitaire Rutshuru avec précision : « Cette quantité dépend de la taille du ménage. Pour six personnes, nous remettons 21,6 kg de haricots, 5 litres d’huile, 36 kg de farine de maïs, 36 kg de riz et 900 g de sel ». Des rations vitales pour des familles dont les enfants présentent des signes de malnutrition aiguë. Cette distribution vivres Nord-Kivu, qui s’est poursuivie jusqu’au 30 mai, représente un ballon d’oxygène dans une région où 70% de la population vit en insécurité alimentaire.
Cette opération marque la deuxième intervention de la Croix-Rouge RDC depuis le retour des populations. La première distribution, organisée en avril, avait déjà permis d’éviter le pire. Mais suffira-t-elle à enrayer la spirale infernale ? Les greniers temporaires remplis aujourd’hui ne garantissent pas les récoltes de demain dans cette terre fertile devenue champ de bataille.
Derrière chaque sac de riz distribué se cache un drame invisible : des enfants privés d’école pendant des mois, des champs minés, des outils agricoles perdus lors de la fuite. Si l’aide alimentaire Croix-Rouge RDC sauve des vies immédiatement, la vraie reconstruction exigera bien plus. Combien de temps ces familles pourront-elles tenir sans semences ni sécurisation des terres ? La communauté internationale comprendra-t-elle que derrière ces chiffres se joue l’avenir d’une génération entière dans le Nord-Kivu ? Pour l’heure, dans la poussière rouge de Rugari, c’est la gratitude qui l’emporte. « Cette farine, c’est du pain pour mes enfants demain matin », murmure Euphrasie en cachant ses provisions sous son lit de terre battue. Un geste ancestral de celles qui ont trop souvent tout perdu.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net