Près de deux mille familles déplacées font l’objet d’une mesure d’expulsion forcée depuis ce lundi dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu. Sous la contrainte du mouvement rebelle M23, ces populations vulnérables sont sommées de regagner leurs villages d’origine situés dans des zones où persistent des affrontements armés.
Les sites publics qui les hébergeaient jusqu’alors se vident progressivement. La prison centrale de Masisi, qui abritait 765 ménages, et le Tribunal de paix, accueillant 142 familles, figurent parmi les principaux lieux concernés par cet exode imposé. Au total, ce sont 1 925 ménages qui sont contraints à ce retour périlleux.
Des sources administratives et humanitaires locales, contactées ce mardi, confirment la situation alarmante. Selon leurs informations, l’ordre émanerait directement des responsables du mouvement AFC-M23, qui n’hésiteraient pas à menacer les acteurs locaux s’opposant à cette décision. Comment une telle violation des droits humanitaires fondamentaux peut-elle être tolérée en République Démocratique du Congo ?
La précarité sécuritaire dans les zones de retour préoccupe particulièrement les observateurs. Les groupements de Biiri, Buabo et Banyungu, destinations imposées à ces familles, restent le théâtre d’affrontements récurrents entre les rebelles du M23 et les groupes Wazalendo. Rien ne garantit actuellement la sécurité des civils dans ces localités, où les combats se poursuivent sans relâche.
Les conséquences de cette décision unilatérale se manifestent déjà avec violence. Un cadre local ayant tenté de s’opposer à ce déguerpissement immédiat a été agressé et hospitalisé à l’hôpital général de Masisi. Cet incident illustre la détermination des auteurs de cette mesure à imposer leur volonté par la force.
La situation sanitaire ajoute une dimension particulièrement inquiétante à cette crise humanitaire. La zone de santé de Masisi connaît une recrudescence alarmante des cas de choléra, avec au moins trois décès confirmés. Un agent humanitaire présent sur place estime que cette épidémie aurait motivé la décision du mouvement rebelle, mais dénonce la méthode employée, contraire à toutes les normes humanitaires.
Le risque de propagation rapide du choléra préoccupe sérieusement les spécialistes. Les villages vers lesquels sont dirigées les familles déplacées manquent cruellement d’infrastructures sanitaires de base. L’absence d’eau potable, de structures d’assainissement et de centres de santé fonctionnels pourrait transformer cette opération de retour forcé en catastrophe sanitaire majeure.
Ces déplacés, qui ont déjà passé plus de six mois loin de leurs terres, se retrouvent confrontés à un dilemme insoluble : obéir aux ordres du M23 et risquer leur vie dans des zones de combat, ou résister et s’exposer à des représailles immédiates. La communauté humanitaire se trouve elle-même prise au piège, contrainte de composer avec une situation qui viole les principes les plus élémentaires de protection des civils.
Cette nouvelle crise des déplacés dans le Nord-Kivu s’inscrit dans un contexte plus large d’instabilité persistante dans l’est de la République Démocratique du Congo. Elle soulève des questions fondamentales sur la protection des populations civiles dans les zones de conflit et sur le respect du droit international humanitaire.
La situation à Masisi continue d’évoluer heure par heure, tandis que la pression sur les organisations humanitaires s’intensifie. Comment répondre efficacement à une crise où les acteurs armés imposent leurs conditions en méprisant totalement la sécurité et la dignité des populations ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de milliers de familles congolaises piégées dans ce conflit qui semble sans fin.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
