Depuis septembre, Médecins Sans Frontières (MSF) a intensifié son intervention humanitaire à Bunyakiri, dans la chefferie de Buloho au Sud-Kivu, une région située à seulement 36 kilomètres de la ligne de front. Cette action urgente répond à une situation catastrophique pour les milliers de personnes déplacées par les violences dans l’est de la République Démocratique du Congo. Mais que signifie vivre dans de telles conditions, et pourquoi cette crise requiert-elle une attention immédiate ?
Selon les derniers chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ce sont 180 000 déplacés qui ont trouvé refuge à Bunyakiri, sur les 1,6 million recensés dans l’est du pays depuis février. Ces familles, ayant fui les affrontements au Nord et Sud-Kivu, se retrouvent dans une zone où les besoins humanitaires sont colossaux. Imaginez une petite localité devant absorber soudainement une population équivalente à celle d’une grande ville, sans infrastructures adaptées. C’est le défi auquel fait face Bunyakiri.
Le chef de programmes MSF au Sud-Kivu, Issa Moussa, décrit un environnement où les moyens de subsistance ont été perdus et où les conditions de vie précaires favorisent la propagation de maladies. « Les structures sanitaires locales, déjà fragiles, doivent maintenant prendre en charge une population qui a explosé, mettant sous pression extrême les services médicaux existants », explique-t-il. Cette pression sur le système de santé est un risque majeur pour la santé publique.
La majorité des déplacés sont hébergés par des familles d’accueil, tandis que d’autres survivent dans des camps improvisés. Avant même cet afflux, l’accès aux soins dans la zone était limité par un manque chronique de médicaments et d’infrastructures. Les récentes violences n’ont fait qu’aggraver cette fragilité. Comment, dans un tel contexte, prévenir les épidémies ou traiter les malades ?
Pour répondre à l’urgence, l’intervention MSF Congo se concentre sur le soutien à l’Hôpital général de référence de Bunyakiri, au centre hospitalier de Bitale et à plusieurs centres de santé. Les équipes fournissent des soins d’urgence, réalisent des chirurgies, assistent les accouchements, prennent en charge la malnutrition infantile, offrent des soins néonatals, du soutien en santé mentale et assurent une surveillance épidémiologique. En onze semaines, les résultats parlent d’eux-mêmes : 13 300 consultations médicales, 1 861 accouchements dont 208 césariennes, 274 interventions chirurgicales, 578 enfants traités pour malnutrition et 98 cas de violences sexuelles pris en charge.
Pourtant, derrière ces chiffres, la réalité quotidienne des déplacés Sud-Kivu reste dramatique. Dans les sites d’accueil, l’accès à l’eau potable est très limité, les installations sanitaires sont quasi inexistantes et l’insécurité alimentaire est aiguë. Dans plusieurs camps, les familles ne mangent en moyenne qu’un seul repas par jour et dorment dans des abris de fortune, souvent à même le sol. Ces conditions sont un terreau fertile pour les maladies, surtout pour les enfants et les personnes âgées.
Giulia Panseri, coordinatrice terrain de MSF au Sud-Kivu, insiste sur la nécessité d’une assistance humanitaire coordonnée. « MSF ne peut couvrir tous les besoins à elle seule. Il faut que davantage d’acteurs présents dans la région se mobilisent pour une réponse intégrée », affirme-t-elle. Cet appel à la coordination est crucial pour éviter une aggravation de la crise humanitaire RDC.
Le contexte plus large rappelle que MSF intervient depuis des années au Nord et Sud-Kivu face à l’instabilité chronique et aux déplacements répétés. Dans le Sud-Kivu, l’organisation est active à Minova, Uvira, Baraka, Bunyakiri et Bukavu. Cependant, l’insécurité dans certaines zones limite l’acheminement de l’aide et restreint l’accès aux populations les plus vulnérables. Issa Moussa souligne que les actions de MSF sont guidées par les besoins, mais que ces contraintes sécuritaires compliquent la tâche.
Que peut-on retenir de cette situation ? La santé Sud-Kivu est sous tension extrême, et l’intervention d’urgence comme celle de MSF est vitale. Mais elle n’est pas suffisante. Une réponse humanitaire massive et coordonnée est nécessaire pour apporter eau, nourriture, abris et soins à des centaines de milliers de personnes. La prévention des épidémies, grâce à un accès amélioré à l’eau et à l’assainissement, doit être une priorité. Enfin, la communauté internationale doit se mobiliser pour soutenir les acteurs sur le terrain et œuvrer à une solution politique durable à cette crise.
La crise à Bunyakiri est un miroir des défis humanitaires en RDC. Sans une action concertée, les risques sanitaires et sociaux pourraient dégénérer en catastrophe encore plus grave. Il est temps d’agir, car chaque jour compte pour les déplacés du Sud-Kivu.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
