La forêt en détresse des Virunga vient de trouver une voix juridique pour crier son agonie. Trois organisations congolaises viennent de porter plainte devant la Cour de justice de la Communauté d’Afrique de l’Est contre la RDC, l’Ouganda et le Secrétariat général de l’EAC. Cette action courageuse, déposée dans le cadre de la campagne « Notre Terre sans Pétrole », marque un tournant décisif dans le contentieux climatique EACJ qui s’annonce comme une bataille historique pour la préservation du bassin du Congo.
L’ONG Alerte congolaise pour l’environnement et les Droits de l’homme (ACEDH) et ses partenaires ont officiellement introduit leur plainte projets pétroliers Virunga le 27 octobre dernier. La Division de Première Instance de la Cour a enregistré cette démarche judiciaire inédite en début de semaine, donnant ainsi une portée continentale à un combat qui dépasse désormais les frontières nationales.
Me Olivier Ndoole, secrétaire exécutif de l’ACEDH, s’exprime depuis Arusha en Tanzanie avec une détermination sans faille : « C’est un droit reconnu à tout citoyen de saisir les mécanismes de contentieux climatique selon la Charte de l’EAC. Des faits prouvés par des rapports d’experts démontrent les impacts négatifs sur la pêche, la pollution, et d’autres éléments environnementaux liés à l’exploitation pétrolière, notamment en Ouganda ».
Mais quels sont ces impacts environnementaux pétrole RDC qui justifient une telle mobilisation juridique ? La réponse se niche au cœur du Rift Albertin, où cinq blocs pétroliers ont été délimités dans la zone sensible des Virunga, entre l’Ituri et le Nord-Kivu. Cette région, joyau de biodiversité africaine, voit son équilibre écologique menacé par des appétits pétroliers qui ignorent les frontières naturelles.
Du côté ougandais, le péril est tout aussi alarmant. Les ONG environnement RDC Ouganda dénoncent avec véhémence l’exploitation des blocs Tilenga et Kingfisher, dont les retombées néfastes affectent dramatiquement les ressources halieutiques des lacs Albert et Édouard. Ces écosystèmes aquatiques, véritables artères vitales pour des milliers de communautés riveraines, suffoquent sous la pression des activités extractives.
L’absence criante d’étude d’impact environnemental transfrontalière constitue une violation grave qui justifie amplement cette action judiciaire. Comment peut-on autoriser des projets d’une telle envergure sans évaluer leurs conséquences sur l’ensemble du bassin écologique ? Cette carence révèle une vision fragmentée de la protection environnementale, inadaptée face à des écosystèmes qui, eux, ne connaissent pas les frontières administratives.
Le parc national Virunga menace de disparaître sous les pressions combinées des intérêts économiques et de l’inertie politique. Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce sanctuaire naturel abrite des espèces emblématiques comme les gorilles de montagne, aujourd’hui pris en étau entre braconnage et destruction de leur habitat. Les projets pétroliers représentent-ils la dernière menace qui pousse ce joyau écologique au bord du précipice ?
Cette plainte historique ne se contente pas de dénoncer – elle ouvre une brèche juridique novatrice dans le paysage du droit environnemental africain. En saisissant la Cour de justice de la Communauté d’Afrique de l’Est, les organisations congolaises inventent de nouveaux outils de protection transfrontalière. Leur combat dépasse le simple cadre national pour embrasser une vision sous-régionale de la préservation écologique.
Les communautés locales, premières victimes de cette crise silencieuse, voient dans cette action judiciaire un espoir de reconnaissance de leurs droits fondamentaux. Leur survie dépend directement de la santé des écosystèmes que menacent les projets pétroliers. Leur voix, longtemps étouffée, trouve aujourd’hui un écho dans les prétoires d’Arusha.
La bataille qui s’engage devant la Cour de justice de l’EAC pourrait créer un précédent déterminant pour l’ensemble du continent africain. Elle pose une question fondamentale : jusqu’où les États peuvent-ils sacrifier leur patrimoine naturel sur l’autel du développement économique ? La réponse juridique qui émergera de ce contentieux climatique dessinera peut-être l’avenir environnemental de toute la sous-région.
Alors que les forêts du Congo continuent de brûler et que les lacs du Rift Albertin s’asphyxient progressivement, cette plainte symbolise la résistance d’une société civile déterminée à défendre son droit à un environnement sain. Le verdict qui tombera constituera un test crucial pour la justice climatique en Afrique de l’Est – et au-delà.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net
