À Kinshasa, prendre une moto-taxi relève du parcours du combattant pour des milliers de femmes. Entre les mains baladeuses des passagers et les freinages brusques des conducteurs, le trajet quotidien se transforme en véritable calvaire. Comment en est-on arrivé à cette situation où un moyen de transport essentiel devient une source d’angoisse permanente ?
Clarisse Tshiodi, 27 ans, croisée à l’entrée du marché de Matete, raconte une scène qu’elle qualifie de « trop courante » : « Quand une femme arrive pour prendre une moto où il y a déjà un homme, l’homme descend et te dit de monter avant lui pour te protéger. On pense que c’est une bonne intention, mais dès que la moto démarre, tu sens sa main avancer vers ta taille ou tes hanches. Certains font semblant de s’accrocher, mais tu comprends très vite que ce n’est pas un accident. »
Le harcèlement dans les motos-taxis à Kinshasa prend diverses formes, toutes aussi insidieuses les unes que les autres. Mireille Lekuya, 24 ans, évite désormais certains trajets après une expérience traumatisante au rond-point Ngaba : « Une fois, le monsieur derrière moi a mis sa main sur ma cuisse en disant qu’il voulait juste se stabiliser. Mais sa main restait là. Tu es coincée entre lui et le chauffeur, et tu ne peux rien faire. »
Les conducteurs de motos-taxis ne sont pas en reste dans ces pratiques de harcèlement. Certains usent de techniques machiavéliques pour profiter de la situation. « Ils freinent exprès pour te coller davantage », dénonce Mireille, qui a développé des stratégies de protection : « Je tiens toujours mon sac entre moi et le conducteur pour créer une barrière, mais si le passager derrière est un homme, je ne sais plus comment me protéger. »
Au rond-point Victoire, Sandrine Mposhi, 21 ans, préfère parfois marcher de longues distances plutôt que de subir ces attouchements répétés. « Dès que l’homme se place derrière toi, tu sens son corps collé au tien, même quand il y a de l’espace. Si tu protestes, on te traite de compliquée », témoigne cette étudiante qui vit ces situations presque quotidiennement.
La problématique du harcèlement dans les motos-taxis à Kinshasa se double d’une impunité quasi-totale. Béatrice Ikoma, 34 ans, rencontrée au marché Gambela, explique le cercle vicieux : « À la police, on nous demande des preuves. Comment veux-tu prouver qu’un inconnu t’a touchée sur une moto qui roulait ? On a l’impression que notre parole ne suffit jamais. Alors beaucoup abandonnent avant même d’essayer. »
Linda Bafwankoy, 29 ans, peut en témoigner. Après avoir osé porter plainte pour une agression subie dans un moto-taxi, elle s’est heurtée à un mur d’incompréhension : « On m’a demandé s’il y avait des témoins. Comme non, on m’a dit que c’était compliqué. J’ai eu l’impression qu’on me décourageait. Pourtant, ces choses arrivent tout le temps. »
Face à ce fléau des attouchements dans les transports, les femmes congolaises développent des mécanismes de survie au quotidien. Certaines modifient leurs itinéraires, d’autres leurs horaires de déplacement, beaucoup renoncent purement et simplement à utiliser les motos-taxis. Mais jusqu’où faudra-t-il aller pour que la sécurité des femmes dans les transports publics à Kinshasa devienne une priorité ?
Judith Mola, 30 ans, résume le sentiment général des femmes confrontées à ces violences dans les motos-taxis de la RDC : « Les motos sont censées nous aider à gagner du temps, pas à perdre notre dignité. Il faut que les autorités trouvent des solutions pour que chacun se déplace sans peur. Ce n’est pas normal qu’on vive ça et qu’on nous demande de nous taire. »
Alors que les témoignages de femmes victimes de harcèlement dans les motos-taxis à Kinshasa se multiplient, une question cruciale se pose : combien de temps encore faudra-t-il attendre pour que des mesures concrètes soient prises ? La sécurité des femmes dans les transports en commun n’est-elle pas un droit fondamental qui mérite une attention urgente des autorités congolaises ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
