L’Assemblée provinciale du Sud-Kivu a ouvert mercredi sa session budgétaire 2025 dans un contexte de crise multidimensionnelle, où les parlementaires devront naviguer entre l’urgence sécuritaire et les impératifs de reconstruction. La délocalisation de l’hémicycle à Uvira depuis février dernier symbolise à elle seule la précarité institutionnelle qui frappe cette province meurtrie par les conflits armés.
Dans son allocution d’ouverture, Feston Kabeza, président de l’Assemblée provinciale, a dressé un tableau sans concession de la situation. « La session qui s’ouvre aujourd’hui est essentiellement budgétaire. Elle intervient dans un contexte particulièrement difficile, où notre province du Sud-Kivu est confrontée à des défis multiformes », a-t-il souligné, énumérant les crises sécuritaires, politiques, institutionnelles et économiques qui « exigent des réponses urgentes, concertées et courageuses ».
Le paradoxe est saisissant : comment construire un budget provincial viable lorsque les institutions elles-mêmes sont en exil ? Depuis la chute de Bukavu aux mains des rebelles de l’AFC/M23, Uvira est devenue la capitale provisoire du Sud-Kivu, abritant à la fois le gouvernement provincial et l’assemblée délocalisée. Cette cohabitation forcée dans une ville frontalière avec le Burundi illustre la fragilité de l’État congolais dans cette région.
La session budgétaire 2025 s’annonce comme un exercice d’équilibre périlleux. Comment allouer des ressources dans un territoire partiellement contrôlé ? Quelles priorités budgétaires face à l’urgence humanitaire et sécuritaire ? Ces questions cruciales planeront sur les débats parlementaires des prochaines semaines.
Feston Kabeza a réaffirmé le soutien institutionnel aux processus de paix de Washington et Doha, présentés comme des « mécanismes essentiels pour mettre fin à cette guerre injuste ». Mais cette position officielle masque-t-elle des divisions internes sur la stratégie à adopter face aux groupes armés ? La mention spécifique de ces processus diplomatiques suggère des orientations politiques déjà arrêtées, laissant peu de place aux alternatives.
L’appel à l’unité lancé par le président de l’Assemblée provinciale révèle également les fractures sous-jacentes. « Nous lançons un appel à la responsabilité de toutes les institutions provinciales, sociétés civiles, confessions religieuses, forces vives », a déclaré Feston Kabeza, insistant sur la nécessité de « combattre toute instrumentalisation identitaire ». Cet appel à la mobilisation collective trahit les tensions communautaires que les acteurs politiques cherchent à apaiser.
La tenue de cette session budgétaire dans des conditions aussi précaires interroge sur la capacité de l’État à maintenir ses prérogatives fondamentales dans l’Est du pays. Le budget 2025 du Sud-Kivu sera-t-il un simple exercice comptable ou parviendra-t-il à impulser une dynamique de stabilisation ? Les parlementaires devront répondre à cette équation complexe tout en gérant les attentes d’une population épuisée par des années de violence.
Les processus de paix Washington Doha représentent-ils une véritable feuille de route ou restent-ils des mécanismes diplomatiques déconnectés des réalités du terrain ? La réponse à cette question déterminera en grande partie l’efficacité des allocations budgétaires qui seront votées dans les prochaines semaines.
Alors que les conflits armés au Sud-Kivu continuent de faire des victimes et des déplacés, l’Assemblée provinciale devra démontrer que ses délibérations peuvent avoir un impact concret sur le quotidien des populations. Le défi est de taille pour des institutions provinciales qui opèrent dans l’urgence et l’incertitude.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd