Dans un contexte de crise persistante dans l’Est de la République Démocratique du Congo, le passage du ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, sur le plateau de la chaîne américaine CNN marque un tournant stratégique dans la diplomatie médiatique congolaise. Cette intervention télévisée, survenue quarante-huit heures après la rencontre entre le Président Félix Tshisekedi et les médias américains, s’inscrit dans une offensive de communication internationale visant à briser le silence entourant ce que les autorités congolaises qualifient de « génocide » en cours.
Le ministre, également porte-parole du gouvernement, a livré une plaidoirie directe concernant l’agression que la RDC attribue au Rwanda. Face à des millions de téléspectateurs, Patrick Muyaya sur CNN a dépeint avec force détails la tragédie humanitaire qui secoue les provinces de l’Est depuis des décennies. Cette médiatisation congolaise à l’international représente-t-elle une nouvelle étape dans la stratégie de communication gouvernementale ? La réponse semble affirmative, tant le timing et le choix du média apparaissent calculés.
Au-delà de la simple dénonciation, l’interview du ministre RDC sur CNN a permis d’exposer la complexité des relations RDC États-Unis dans le cadre du partenariat stratégique entre les deux nations. Muyaya a salué l’implication de l’ancien président Donald Trump dans la recherche d’une solution, tout en émettant des réserves sur la volonté réelle des parties adverses. « La paix ne se décrète pas, elle se construit sur le terrain », a-t-il martelé, soulignant ainsi l’écart entre les signatures d’accords et leur mise en œuvre effective.
Le conflit Est RDC Rwanda a été au cœur des échanges, avec le ministre congolais pointant du doigt les « comportements observés sur le terrain » qui, selon lui, remettent en cause la sincérité des engagements pris à Doha et Washington. Cette position ferme contraste avec l’optimisme affiché par certaines parties prenantes internationales, créant ainsi un narratif alternatif qui cherche à influencer l’opinion publique américaine.
Sur le plan économique, Patrick Muyaya n’a pas manqué de rappeler l’importance géostratégique de la RDC, dont les immenses richesses naturelles ne pourront être exploitées pleinement qu’en situation de paix durable. Cet argument, maintes fois répété mais rarement porté avec une telle force sur la scène médiatique internationale, vise manifestement à sensibiliser les investisseurs et partenaires économiques potentiels.
La performance médiatique des médias congolais international trouve ici son expression la plus aboutie : un ministre congolais s’exprimant directement, sans filtre, sur une chaîne mondiale pour défendre la position de son pays. Cette stratégie de communication directe avec l’opinion publique américaine représente-t-elle une nouvelle approche diplomatique ? Les prochains jours nous le diront, mais d’ores et déjà, le message est passé.
Reste à savoir si cette offensive médiatique portera ses fruits sur le terrain politique. Les discussions en cours dans le cadre du partenariat stratégique entre la RDC et les États-Unis couvrent plusieurs secteurs, et l’intervention de Muyaya semble viser à créer un momentum favorable aux positions congolaises. Cependant, la route vers la paix reste semée d’embûches, et les « incertitudes » évoquées par le ministre quant à la volonté réelle du Rwanda et de l’AFC/M23 pèsent lourdement sur les perspectives de résolution du conflit.
Alors que la Première ministre Judith Sumiwa poursuit son itinérance gouvernementale dans le Kongo Central, focalisée sur des projets de développement économique, le gouvernement affiche ainsi une double stratégie : développement interne et plaidoyer international. Cette approche multidimensionnelle suffira-t-elle à sortir le pays de l’impasse sécuritaire ? La réponse se jouera autant dans les coulisses diplomatiques que sur le terrain des provinces orientales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
