Une caisse fantôme qui hante les finances publiques depuis près de deux décennes : le ministre des Finances, Doudou Fwamba, a jeté un pavé dans la mare lors de la séance plénière du Sénat ce mardi 3 juin. Sous le feu des questions du sénateur Christophe Lutundula, il a reconnu l’impensable : la Caisse nationale de péréquation RDC, conçue pour rééquilibrer les disparités territoriales, n’a jamais été alimentée depuis sa création en 2006. Un aveu qui résonne comme un constat d’échec cuisant pour les gouvernements successifs.
Interpellé sur les montants versés en 2024 et 2025 ainsi que sur les projets financés, Doudou Fwamba a opposé une réponse sans détour : « Aucun décaissement n’a eu lieu à ce jour ». Cette révélation, faite dans le cadre du contrôle parlementaire finances, soulève une interrogation brûlante : comment une institution constitutionnelle, prévue à l’article 181, a-t-elle pu rester lettre morte pendant dix-huit ans ? Le sénateur Lutundula, en brandissant l’arsenal juridique, a transformé la question orale en tribune accusatrice, pointant un vide abyssal dans la gestion des fonds publics.
Pourtant, les mécanismes existent bel et bien. Chaque année, 10% du budget péréquation Congo sont théoriquement fléchés vers cette caisse destinée aux provinces les moins nanties. Un filet de sécurité censé garantir le « fonctionnement normal » des régions défavorisées, selon les termes mêmes du ministre. Mais entre la théorie et la pratique, le gouffre semble infranchissable. Certains sénateurs n’ont pas hésité à évoquer des « détournements massifs », tant l’absence de traçabilité alimente les suspicions. Fwamba, dos au mur, a-t-il mesuré l’ampleur du scandale latent ?
Dans une pirouette stratégique, le ministre a annoncé un atelier de réflexion en juillet prochain pour « opérationnaliser » enfin la caisse. « Je veux que cette législature soit la première à débloquer des fonds », a-t-il lancé, tendant une perche de collaboration au Sénat. Une promesse qui sonne comme un mea culpa tardif, mais aussi comme un pari politique risqué. Car comment croire à une soudaine volonté de transparence après des années de carence ? Le financement provinces pauvres reste un mirage, et l’atelier ressemble à un écran de fumée pour calmer l’ire parlementaire.
L’enjeu dépasse la simple technique budgétaire : il touche à la crédibilité de l’État face au fédéralisme naissant. Si Doudou Fwamba Sénat parvient à matérialiser cette coopération, ce serait une victoire symbolique pour le contrôle démocratique. Mais gare aux faux-semblants : les provinces marginalisées, échaudées par des décennies de promesses non tenues, attendent des actes concrets. La balle est désormais dans le camp de l’exécutif, qui joue sa légitimité sur sa capacité à transformer l’essai. L’opérationnalisation de la caisse sera-t-elle le chantier de la dernière chance ou un nouvel épisode de la comédie des finances publiques ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net