Dans un mouvement stratégique visant à consolider les réformes du secteur public, le Vice-Premier Ministre Jean-Pierre Lihau a engagé une manœuvre législative d’envergure devant l’Assemblée nationale ce 30 mai 2025. Deux projets de loi modifiant fondamentalement le cadre des agents publics congolais ont été défendus avec force, cristallisant une volonté affichée de rupture avec les dysfonctionnements historiques.
Le premier texte, modifiant la loi sur la sécurité sociale des agents publics, comble un vide juridique criant. Comme l’a souligné Lihau avec une pointe d’ironie institutionnelle : “Comment expliquer que ceux qui gouvernent soient exclus de toute protection sociale ?”. Le projet étend la couverture obligatoire aux mandataires politiques – ministres, gouverneurs et élus locaux – jusqu’ici condamnés à une précarité certaine après leurs fonctions éphémères. Une avancée qui aligne enfin la RDC avec les standards internationaux des droits humains fondamentaux.
Le second projet, plus ambitieux encore, s’attaque aux racines de la gabegie administrative. En réformant le statut des agents de carrière, il enterre le système des « Nouvelles Unités » (NU), ces postes fictifs qui drainent les finances publiques. Désormais, tout recrutement sera conditionné à une vacance budgétisée et à une programmation prévisionnelle. Innovation majeure : l’introduction du contrat de performance, une révolution culturelle pour une administration congolaise historiquement ankylosée.
L’audace réformatrice du ministre n’a pas laissé insensible l’hémicycle. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a imposé un calendrail serré : “Sept jours maximum pour la commission mixte”. Un délai qui souligne l’urgence politique attribuée à ces textes, mais qui interroge : suffira-t-il pour un examen approfondi ? La commission PAJ-Socio-culturelle devra trancher cette épineuse équation entre célérité et rigueur législative.
Ces initiatives s’inscrivent dans la modernisation de l’administration congolaise, pierre angulaire de la gouvernance Tshisekedi. Pourtant, le diable se niche dans les détails d’application. La contractualisation, présentée comme panacée à la rigidité bureaucratique, ne risque-t-elle pas de créer une fonction publique à deux vitesses ? Et le financement de cette sécurité sociale élargie reste-t-il durablement assuré ? Autant de questions qui planeront sur les débats en commission.
Jean-Pierre Lihau joue ici une partie décisive pour sa crédibilité réformatrice. L’adoption de ces projets déterminera si la modernisation de la fonction publique reste un slogan ou devient une réalité tangible. L’enjeu dépasse la simple technique législative : c’est la capacité de l’État congolais à se réinventer qui se joue dans l’hémicycle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd