Ce devait être une soirée comme les autres au marché municipal de Balese, dans la commune de Mangobo à Kisangani. Sous un ciel de plus en plus menaçant, les vendeurs s’affairaient à protéger leurs étals des premières gouttes. Personne n’imaginait que cette pluie diluvienne allait transformer ce lieu de vie en scène de tragédie. En quelques secondes, un éclair a frappé, électrocutant treize personnes. Six ont perdu la vie sur le coup, plongeant toute la communauté dans un deuil brutal.
« C’était un chaos indescriptible », raconte un témoin sous le choc, joint par nos soins. « Les cris se mêlaient au grondement du tonnerre. Des corps gisaient entre les légumes et les sacs de semoule. » Le bourgmestre Constant Bolamba Saile confirme l’ampleur du drame : « Avec les autorités, nous allons voir comment prendre en charge les hospitalisés et accompagner les familles des défunts. » Mais derrière cette annonce officielle, une question brûlante persiste : comment un espace public aussi fréquenté a-t-il pu devenir un piège mortel ?
Cette catastrophe relance le débat sur la vulnérabilité des infrastructures urbaines en RDC. À Kisangani comme dans d’autres villes congolaises, les marchés publics – véritables poumons économiques – manquent cruellement de dispositifs de sécurité élémentaires. Paratonnerres absents, abris précaires, branchements électriques anarchiques… Autant de bombes à retardement dans un pays où la saison des pluies rime trop souvent avec drames humains.
Les actualités RDC rapportent régulièrement des incidents similaires. En 2022 déjà, un coup de foudre avait tué huit paysans dans le Tanganyika. Ces drames à répétition interrogent : jusqu’à quand les autorités locales négligeront-elles les alertes des experts en météorologie ? Le changement climatique rend les phénomènes extrêmes plus fréquents et violents. Dans ce contexte, l’improvisation dans la gestion des risques devient criminelle.
Derrière les chiffres froids du bilan – six morts, sept blessés – se cache une réalité sociale accablante. La majorité des victimes étaient des petits commerçants, piliers d’une économie informelle qui fait vivre des milliers de familles à Kisangani. Leur disparition plonge des foyers entiers dans la précarité. « Mon mari est parti ce matin avec ses cageots de tomates… », sanglote une veuve éplorée, symbole d’une population abandonnée à son sort.
Cette tragédie pose aussi la question de la prise en charge des survivants. Les sept rescapés, gravement brûlés, affrontent maintenant un autre combat : celui de l’accès aux soins dans un système hospitalier congolais exsangue. Santé RDC rime-t-elle avec abandon ? Leurs familles, déjà éprouvées économiquement, devront trouver des millions de francs congolais pour les traitements.
Face à l’émotion populaire, les promesses des autorités sonnent creux pour beaucoup d’habitants. « Ils parlent toujours d’accompagnement après les drames, mais où sont les plans de prévention ? », s’indigne un leader communautaire. Le marché de Balese, comme tant d’autres en RDC, continue de fonctionner sans protection malgré les alertes répétées des météorologues.
Ce drame souligne l’urgence d’une politique nationale de gestion des risques climatiques. Entre négligence coupable et incurie administrative, les populations paient le prix fort. À quand un vrai plan d’équipement des lieux publics en paratonnerres ? Combien de morts faudra-t-il encore déplorer avant que la sécurité des citoyens ne devienne priorité ?
Alors que Kisangani enterre ses morts, une prise de conscience s’impose : dans un pays où l’économie RDC dépend largement des marchés populaires, protéger ces espaces vitaux n’est pas optionnel. Il en va de la survie des petites gens… et de la crédibilité d’un État qui ne peut plus se contenter de gérer les crises après-coup.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net