La République Démocratique du Congo se trouve une fois de plus sous le feu des projecteurs diplomatiques, cette fois-ci par la voix de son ancienne puissance tutélaire. Le vice-Premier ministre belge et chef de la diplomatie, Maxime Prévot, a adressé, ce mercredi 17 décembre, un rappel à l’ordre aussi clair que politiquement chargé aux autorités de Kinshasa. Son intervention, qui mêle soutien aux initiatives régionales et critique voilée de la gestion interne, dessine les contours d’une attente internationale grandissante : la paix dans l’Est ne sera durable que si elle s’accompagne d’une véritable décrispation politique à l’intérieur du pays.
Alors que les efforts de dialogue politique Congo et de désescalade se multiplient au niveau régional, notamment sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est, Maxime Prévot pointe une lacune cruciale. Pour le ministre belge, ces mécanismes, aussi nécessaires soient-ils, restent insuffisants s’ils ne sont pas doublés d’un « processus interne » en RDC. Quelle signification revêt cet appel ? Il s’agit ni plus ni moins d’une invite pressante à ce que la classe politique congolaise dans son ensemble – majorité comme opposition – s’approprie les engagements pris sur la scène internationale et les traduise en réformes concrètes. La gouvernance, l’état de droit et la justice figurent en tête des « grands chantiers » évoqués par Bruxelles. Derrière le langage diplomatique, le message est limpide : la stabilité ne s’importe pas, elle se construit de l’intérieur par un consensus national.
« Impliquer le plus grand nombre est aussi une manière de rassembler face à l’adversité et d’apaiser la scène politique congolaise », a déclaré Maxime Prévot. Cette phrase, anodine en apparence, résonne comme une critique en creux des pratiques actuelles. L’apaisement de la scène politique est-il compatible avec les récentes vagues d’arrestations ciblant l’opposition ? La question, rhétorique, trouve une réponse partielle dans la réaction du ministre belge à l’interpellation d’Emmanuel Shadary, secrétaire permanent du PPRD, parti de l’ancien président Joseph Kabila. Prévot a estimé que cette arrestation Emmanuel Shadary « pose question et ne semble pas aller dans le sens de la décrispation politique ». Sous couvert de s’interroger, la Belgique formule ainsi un reproche direct, estimant que de tels actes fragilisent le climat de confiance nécessaire à tout dialogue sérieux.
L’appel lancé aux « autorités congolaises » à s’inscrire dans une « démarche de dialogue dans le respect de la Constitution et des principes républicains » prend, dans ce contexte, une tonalité particulière. S’agit-il d’un simple vœu pieux ou d’une conditionnalité implicite du soutien international ? La position de la Belgique, historiquement influente dans le dossier congolais, pourrait préfigurer celle d’autres partenaires européens. Elle place le gouvernement de la RDC face à un dilemme stratégique : poursuivre une approche jugée musclée contre ses adversaires politiques, au risque de s’aliéner des soutiens cruciaux pour la paix Est RDC, ou engager un véritable processus inclusif dont il ne maîtriserait pas nécessairement toutes les issues.
Cette intervention de Maxime Prévot s’inscrit dans la complexité des relations Belgique-RDC, faites à la fois de coopération étroite sur certains dossiers et de tensions diplomatiques récurrentes. Elle révèle surtout une attente occidentale de plus en plus explicite. La communauté internationale, qui soutient militairement et financièrement Kinshasa dans sa lutte contre les groupes armés à l’Est, semble épuisée par les crises politiques cycliques qui minent le pays. Elle lie désormais ouvertement la résolution du conflit dans les Kivus à une refonte du jeu politique à Kinshasa. Le gouvernement congolais parviendra-t-il à trouver l’équilibre délicat entre affirmation de sa souveraineté et réponse à ces pressions diplomatiques ? La balle est désormais dans son camp, mais les observateurs savent que dans la géopolitique congolaise, les partenaires extérieurs conservent toujours quelques cartes décisives à jouer. Les prochaines semaines, marquées ou non par de nouvelles gestes d’apaisement, seront scrutées à la fois à Bruxelles, à Washington et dans les capitales régionales, car elles détermineront la marge de manœuvre réelle du pouvoir face à une opposition qu’on cherche tantôt à dialoguer, tantôt à museler.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
