La République Démocratique du Congo entre dans une phase cruciale de modernisation de son administration routière avec le démarrage effectif ce lundi du contrôle du permis de conduire biométrique sécurisé. Après deux faux départs qui avaient semé le doute quant à la détermination des autorités, l’opération couvre l’ensemble de Kinshasa et les provinces déjà équipées de centres de délivrance.
Le vice-premier ministre chargé de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, a personnellement supervisé la réunion de coordination avec les hauts responsables de la Police Nationale Congolaise (PNC). Le commissaire divisionnaire adjoint et porte-parole Julien Mavungu a martelé un message sans équivoque : « Demain lundi, il y aura trois types de conducteurs d’automobiles : ceux qui sont en règle avec le nouveau permis de conduire, qui peuvent circuler librement, et ceux qui ne sont pas en règle, à qui nous demandons de ne pas sortir avec leurs véhicules ».
La PNC affirme disposer de tous les équipements nécessaires pour un contrôle rigoureux, incluant les appareils de lecture des puces électroniques. Un avertissement supplémentaire vise les propriétaires de véhicules aux plaques d’immatriculation cachées ou bâchées, pratique courante qui semble désormais révolue.
Mais cette mesure légitime soulève des interrogations sur sa mise en œuvre dans un contexte socio-économique fragile. Les données recueillies auprès du ministère des Transports révèlent une faible adhésion des conducteurs à la Commission Nationale de Délivrance des Permis de Conduire (CONADEP). Cette réticence pourrait paralyser le transport informel, principal pourvoyeur de mobilité urbaine.
Quelles conséquences pour les Kinois si les taxis et taxis-bus, majoritairement détenus par des privés, désertent les artères de la capitale par crainte de sanctions ? La situation s’annonce critique alors que Transco, la société publique de transport, se trouve en faillite technique, avec une flotte réduite à sa plus simple expression. Les quelques bus encore en circulation peinent à couvrir les 24 communes, laissant le champ libre aux privés pour majorer impunément le coût des courses.
Le timing de cette opération interpelle. Début septembre, le vice-premier ministre chargé des Transports, Jean-Pierre Bemba, avait officiellement lancé les contrôles en remettant les équipements biométriques à son homologue de l’Intérieur, deux mois après l’expiration du moratoire initial. Pourquoi cet empressement soudain après des reports successifs ?
La question du coût du nouveau permis de conduire biométrique avec puce mérite également examen. La Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participation (DGRAD) a fixé des tarifs différenciés selon les catégories de véhicules. Pour la catégorie A (deux ou trois roues), le coût total s’élève à 38,5 USD, dont 15,4 USD pour le Trésor public et 23,1 USD pour la Société de Permis de Conduire. La catégorie B (véhicules jusqu’à 3,5 tonnes) atteint 71,5 USD, tandis que les catégories C, D et E dépassent les 99 USD.
Ce dispositif de contrôle du permis de conduire biométrique en RDC représente-t-il une avancée réelle en matière de sécurité routière ou une nouvelle charge pour des conducteurs déjà éprouvés par la vie chère ? La réponse se jouera dans les prochains jours sur le terrain, au gré des interactions entre forces de l’ordre et usagers de la route. L’enjeu dépasse la simple régularisation administrative : c’est la crédibilité de l’État à faire appliquer ses décisions qui se trouve ici mise à l’épreuve.
Les autorités semblent avoir choisi la manière forte pour imposer ce nouveau permis de conduire biométrique sécurisé. Reste à savoir si cette stratégie de contrainte portera ses fruits ou si elle accentuera les tensions dans un secteur vital pour l’économie populaire. La gestion des sanctions police circulation constituera le premier indicateur de la volonté réelle des pouvoirs publics de moderniser le secteur sans sacrifier la mobilité des citoyens.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
