La route qui relie Nyangezi à Bukavu porte désormais les stigmates d’une nouvelle tragédie. Dans la nuit du 14 au 15 août, un camion chargé de planches et de passagers a basculé dans le secteur de Kapapa, transformant un trajet ordinaire en cauchemar. Bilan implacable : cinq vies fauchées sur le coup, quatre autres personnes grièvement blessées. « C’est une scène de désolation que nous avons découverte au petit matin », confie, la voix nouée, David Cikuru, acteur de la société civile du Sud-Kivu. « Ces familles attendaient des retrouvailles, elles préparent maintenant des funérailles. »
Derrière ce drame, une réalité glaçante s’impose : l’état catastrophique des infrastructures routières dans la province. Les nids-de-poule profonds, les chaussées défoncées et l’absence de signalisation transforment chaque voyage en parcours du combattant. « Comment peut-on encore tolérer que des routes ressemblent à des champs de bataille ? » interroge amèrement un habitant de Nyangezi, croisé près du lieu de l’accident. Les témoignages convergent pour pointer une accumulation de négligences : essieux fatigués par les secousses permanentes, chauffeurs contraints à des manoeuvres périlleuses pour éviter les ornières, et cette course contre la montre qui pousse aux excès de vitesse.
La société civile du Sud-Kivu monte au créneau, sonnant l’alarme sur une insécurité routière devenue endémique. « Ce n’est pas un accident isolé, c’est le symptôme d’un système défaillant », dénonce David Cikuru. Les chiffres, souvent fragmentaires, dessinent pourtant une tendance lourde : sur ce seul tronçon, trois accidents mortels ont été recensés ces deux derniers mois. « Quand les autorités vont-elles enfin prendre la mesure de l’hécatombe ? Chaque semaine apporte son lot de veuves et d’orphelins sur cette route de tous les dangers. »
Les causes profondes ? Un cocktail explosif où se mêlent vétusté des véhicules, formation insuffisante des conducteurs, et surtout, un délabrement chronique des routes. « On roule sur des pistes de latérite défoncées par les pluies, sans garde-fous ni éclairage », soupire un mécanicien de Bukavu. La nuit, le péril décuple : phares défaillants, visibilité réduite, et ce sentiment lancinant d’avancer en terrain miné. Pourtant, malgré les alertes répétées, les travaux de réhabilitation tardent à se concrétiser. « Nous réclamons des audits techniques urgents et un plan de sécurisation », insiste un collectif d’associations locales.
Cette tragédie de Kapapa pose une question brûlante : jusqu’à quand la mortalité routière restera-t-elle la rançon du déplacement en RDC ? Alors que des familles enterrent leurs proches, l’urgence est désormais d’agir. Car derrière les statistiques glacées – cinq morts, quatre blessés – se cachent des destins brisés et une communauté traumatisée. La route Nyangezi-Bukavu n’a pas besoin de condoléances, mais de bitume et de vigilance. Avant que d’autres noms ne s’ajoutent à la liste macabre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd