Kisangani suffoque sous les eaux. Ce vendredi 15 août, des trombes d’eau se sont abattues sur la capitale de la Tshopo, transformant ses artères en torrents déchaînés et ses habitations en épaves flottantes. Une véritable catastrophe naturelle à Kisangani qui, en quelques heures seulement, a révélé la vulnérabilité criante d’une ville pourtant traversée par le majestueux Congo.
Dans la commune de Tshopo, au bloc Tokomeka, le cauchemar prend des allures de déluge biblique. Les eaux boueuses ont franchi les seuils, submergeant lits et matelas, tandis que les ustensiles domestiques – assiettes, bidons, habits – dérivent comme des épaves dans ce qui fut des salons. Des images insoutenables montrent des murs effondrés sous la pression des flots, des toitures affaissées telles des voiles déchirées, notamment sur la 11e Kabondo et au quartier Segama 1 dans la commune de Mangobo. Des familles entières, chassées par cette furie aquatique, se retrouvent condamnées à passer la nuit à la belle étoile.
Mais l’horreur ne s’arrête pas aux portes des domiciles. La route nationale n°4, pourtant en chantier, a cédé au niveau du 0 Kilanga. Un trou béant, large comme une blessure ouverte, déchire désormais cette voie stratégique. Plus aucun véhicule ne peut circuler, et même les piétons luttent pour franchir cet obstacle imprévu. Comment une infrastructure en construction a-t-elle pu céder aussi facilement ? Cette question brûlante hante désormais les esprits.
Les dégâts des inondations à Kisangani dépassent l’entendement. Si aucun bilan humain n’est à déplorer ce 15 août – une maigre consolation –, le traumatisme matériel et psychologique est colossal. Ces quartiers transformés en marécages urbains rappellent une vérité glacante : la ville n’est pas armée face aux colères du ciel. Les réseaux de drainage, souvent obstrués ou inexistants, ont montré leurs limites fatales. La pluie dans la Tshopo, phénomène pourtant récurrent, devient un ennemi mortel quand elle rencontre l’impréparation.
Cette catastrophe naturelle à Kisangani n’est pas une simple fatalité. Elle sonne comme un réquisitoire accablant contre des décennies de négligence dans la gestion des eaux pluviales. La canalisation d’eau à Kisangani relève-t-elle du mirage ? Les canaux existants, quand ils ne sont pas envahis par les déchets, sont largement sous-dimensionnés pour absorber de tels volumes. Résultat : chaque averse transforme les bas-quartiers en pièges aquatiques.
La province de la Tshopo se retrouve à un carrefour crucial. Continuera-t-elle à subir passivement ces désastres cycliques, ou engagera-t-elle enfin les travaux structurants qui s’imposent ? L’urgence est triple : débloquer les canaux existants, construire un réseau de drainage adapté aux pluies torrentielles, et surtout, repenser l’urbanisation anarchique qui bétonne les zones d’expansion naturelles des crues. Sans cela, les dégâts des inondations en RDC continueront de faire la une dans la douleur.
Alors que des centaines de Kisanganiens contemplent leurs vies englouties, une évidence s’impose : l’eau qui tombe du ciel ne devrait pas devenir un ennemi. Elle pourrait être une richesse, si seulement on lui offrait un chemin. À quand une politique offensive pour dompter ces flots destructeurs ? La réponse déterminera si Kisangani reste une ville otage de la mousson, ou renaît en cité résiliente.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd