L’horloge climatique tourne, impitoyable. À Kinshasa, des milliers d’habitants retiennent leur souffle face à l’implacable avancée de l’érosion qui ronge leurs quartiers. Dans les communes de Ngaliema et Mont-Ngafula, l’angoisse devient palpable à l’approche des premières pluies. Les ravins de Lalou et Don Bosco, véritables cicatrices terrestres, menacent d’engloutir routes et habitations, transformant la saison des pluies en cauchemar annoncé.
À Binza Delvaux, l’avenue Lalou présente un spectacle de tension organisée. Les travaux de stabilisation, confiés à l’entreprise Aaron Sefu, avancent péniblement depuis deux mois. Une pelle hydraulique s’active au fond du ravin, minuscule fourmi face à l’immensité de la tâche. « Avant la fin de la saison sèche », promet-on aux riverains comme Doudou Kalonda. Mais vingt mois de chantier prévus face à une urgence qui, elle, n’attendra pas. Le compte à rebours est lancé : chaque jour perdu rapproche la catastrophe.
Quelques kilomètres plus loin, à Don Bosco, c’est le silence qui inquiète. Aucun engin, aucun ouvrier sur la route Jeunesse, cet axe vital reliant Pompage à Mama Koko. Pourtant, l’érosion creuse sa tombe en silence, menaçant de couper une alternative précieuse à la congestion de la RN1. Les habitants observent, impuissants, ce ravin qui s’élargit comme une bouche affamée. Sans intervention, les premières gouttes transformeront cette artère en piège mortel, isolant des quartiers entiers. La nature patiente, mais sa colère sera terrible.
Ces glissements de terrain potentiels ne sont pas qu’une menace géologique. Ils représentent un drame social en gestation. À Ngaliema, comme à Mont-Ngafula, des familles entières vivent l’épée de Damoclès au-dessus de leur toit. Les maisons fissurées, les routes qui se dérobent : autant de signes avant-coureurs d’une catastrophe humanitaire. Et lorsque les pluies s’abattront, qui paiera le prix de cette course contre la montre perdue d’avance ?
Les conséquences s’annoncent démultipliées : embouteillages monstres à Pompage, quartiers coupés du monde, écoles inaccessibles. Le spectre de 2023, où des glissements de terrain avaient enseveli des vies, hante les mémoires. Pourtant, les leçons semblent perdues dans les méandres administratifs. Comment expliquer cette inertie face à l’urgence ? Les autorités provinciales, qui financent les travaux à Lalou, mesurent-elles l’ampleur de la bombe à retardement écologique ?
La terre se dérobe littéralement sous les pieds des Kinois. À Lalou, un semblant d’espoir naît des travaux engagés, mais trop lentement. À Don Bosco, c’est le néant. Entre les deux, une même angoisse : celle de voir la saison des pluies transformer ces plaies terrestres en torrents dévastateurs. Le temps est compté, les nuages s’amoncellent à l’horizon. Kinshasa retient son souffle, suspendue entre l’espoir ténu et la catastrophe annoncée. La ville saura-t-elle relever ce défi écologique avant que la terre ne se rebelle définitivement ?
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net