Le cri étouffé de la rivière a révélé l’indicible ce jeudi 7 août à Lubutu. Un sac plastique flottant paresseusement a trahi l’horreur : à l’intérieur, le corps sans vie d’une femme, abandonné comme un déchet. En quelques heures, cette découverte macabre a transformé le territoire du Maniema en poudrière, cristallisant une colère latente qui couvait sous la surface.
« On en a assez de ces crimes qui restent impunis ! », lance un habitant sous couvert d’anonymat, la voix tremblante de rage. La nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre dans les ruelles de terre battue, réveillant les peurs et les frustrations accumulées. Dès les premières lueurs du jour, des centaines de personnes ont déferlé dans les artères principales, brandissant des branches d’arbres et scandant des slogans exigeant justice. Les visages fermés, les poings serrés, cette foule en colère incarnait le désespoir d’une communauté meurtrie par l’insécurité chronique.
Comment une manifestation pacifique a-t-elle pu déraper si brutalement ? Les témoignages recueillis évoquent des jets de pierres, des barricades enflammées, puis des échanges de tirs. La situation a viré au cauchemar avec la mort tragique d’un policier, pris dans la tourmente des affrontements. Lawamo Selemani Taylor, ministre provincial de l’Intérieur et de la Sécurité, confirme d’une voix grave : « Un agent des forces de l’ordre a perdu la vie dans ces circonstances douloureuses. » Cette violence, qui rappelle d’autres manifestations violentes en RDC, pose une question cruciale : jusqu’où l’impunité poussera-t-elle les populations à prendre la rue ?
Derrière ce drame, c’est tout un système judiciaire défaillant qui est pointé du doigt. Le corps de cette femme, jeté comme un symbole de mépris, n’est malheureusement pas un cas isolé dans une région où les crimes contre les femmes restent trop souvent éludés. Les habitants de Lubutu expriment un sentiment d’abandon : « Les autorités ne font rien pour nous protéger », murmure une commerçante, le regard fuyant. Cette tension palpable au Maniema révèle une fracture sociale profonde, où chaque nouvel incident ravive les plaies de l’injustice.
Face à l’urgence, les autorités tentent d’apaiser les esprits. Le ministre Taylor a annoncé l’ouverture d’une enquête pour identifier les auteurs du meurtre initial et ceux responsables de la mort du policier. « La population est invitée à reprendre ses activités en toute sérénité. Les forces de sécurité sont déployées et l’enquête suit son cours », assure-t-il. Mais ses mots sonnent creux pour beaucoup, dans un contexte où la méfiance envers les institutions est tenace. Des patrouilles supplémentaires sillonnent désormais les quartiers, mais le climat reste lourd, comme un ciel chargé d’orage.
Cette tragédie à Lubutu dépasse le simple fait divers ; elle met en lumière des enjeux sociétaux brûlants. La précarité économique, le manque d’accès à la justice et la vulnérabilité des femmes créent un terreau fertile pour l’explosion sociale. Que faut-il de plus pour que la protection des citoyens devienne une priorité tangible ? Alors que le soleil se couche sur la rivière témoin de l’horreur, une communauté entière retient son souffle, entre espoir ténu et crainte de nouvelles violences. Le chemin vers la paix passera immanquablement par la vérité et la réparation – sans quoi le spectre de nouvelles manifestations violentes en RDC planera inévitablement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net