La délégation de parlementaires européens quittant Kinshasa ce 30 mai emporte un constat alarmant : la suspension brutale de l’aide américaine via l’USAID plonge la réponse humanitaire en République Démocratique du Congo dans une crise de financement sans précédent. Cette décision, intervenue dans un contexte d’intensification des combats entre les FARDC et la rébellion M23 soutenue par le Rwanda, menace directement des millions de vies dans l’Est du pays.
Hilde Vautmans, cheffe de la délégation du Parlement européen, ne cache pas son inquiétude : “On est très inquiet par ça […] la RDC est le plus grand bénéficiaire de cette aide des USA. Pour l’instant, on ne sait pas qui va prendre ce rôle”. Le vide laissé est abyssal : en 2024, les 910 millions de dollars américains représentaient 70% de l’aide internationale totale reçue par la RDC, l’un des pays les plus dépendants au monde de l’assistance extérieure. Qui pourra combler ce manque alors que les besoins explosent ?
L’ambassadeur de l’UE en RDC, Nicolás Berlanga-Martinez, précise la réalité des chiffres : “Après le retrait de l’USAID qui représentait 2/3 de l’aide humanitaire, ce qui reste c’est le tiers européen”. Si l’Union Européenne a déjà débloqué 100 millions d’euros cette année et mis en place un “Humanitarian Air Bridge” pour acheminer l’aide via Nairobi, ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur de la catastrophe. Le diplomate admet lucidement : “On sait bien que ça ne suffit pas à répondre aux besoins”.
La crise du financement humanitaire en RDC survient paradoxalement quand la situation sécuritaire se dégrade. La mission européenne, venue évaluer l’impact de l’agression rwandaise via le M23, a constaté sur place l’embrasement des besoins. Les programmes de santé, de nutrition et de protection des civils – particulièrement dans les zones de conflit du Nord-Kivu – risquent l’asphyxie. Comment les acteurs humanitaires pourront-ils maintenir leurs opérations sans ce financement vital ?
Face à cette urgence, les parlementaires européens promettent un plaidoyer offensif. Hilde Vautmans s’engage : “Je vous promets, on va retourner, on va faire le débat au parlement européen […] pour voir au niveau budgétaire qu’est-ce qu’on peut encore faire”. Cet appel à mobiliser des fonds supplémentaires s’accompagne d’une exigence politique : l’ambassadeur Berlanga-Martinez insiste pour que “dans toutes les négociations, tout processus de paix, la question humanitaire doit être dedans et si possible prioritaire”.
L’urgence dépasse désormais le cadre congolais. La cheffe de délégation prévient : “On doit vraiment regarder ça pas seulement pour la RDC mais aussi pour les autres pays africains”. Cette suspension américaine crée un dangereux précédent dans la finance humanitaire mondiale. Alors que les camions humanitaires continuent de rouler vers Goma, une question cruciale demeure : la communauté internationale prendra-t-elle la mesure de cette crise avant que des populations entières ne basculent dans la famine ?
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
