Le sol tremble encore sous les cris des survivants. Le bilan des inondations meurtrières à Kasaba, dans le territoire de Fizi (Sud-Kivu), vient de passer de 61 à 114 morts en 72 heures. Parmi ces vies englouties par la furie des eaux, 49 enfants – une génération entière rayée de la carte en une nuit apocalyptique.
La scène ressemble à un champ de bataille liquide. Les rivières Kasaba et Bekya, transformées en monstres aquatiques par des pluies diluviennes, ont littéralement avalé ce village dans la nuit du 8 au 9 mai. « C’est une hécatombe qui interroge notre préparation face à la crise climatique », lance amèrement un secouriste sur place, les pieds dans la boue chargée de débris de vies.
Derrière les chiffres froids du gouvernement provincial se cache une réalité atroce : 150 maisons pulvérisées comme des châteaux de sable, des familles entières disparues dans le torrent brunâtre, des survivants hagards cherchant désespérément un visage familier parmi les corps alignés sous des bâches. Le porte-parole Didier Kabi décrit une course contre la montre : « Les équipes de secours fouillent les décombres avec les mains, mais chaque heure qui passe réduit l’espoir de retrouver des survivants ».
Mais pourquoi Kasaba paie-t-il un tel tribut ? Les experts pointent du doigt un cocktail explosif : déforestation massive des bassins versants, urbanisation anarchique en zones inondables, et surtout l’accélération des phénomènes météorologiques extrêmes. « Ces rivières n’étaient que des filets d’eau il y a dix ans », témoigne un ancien du village, les yeux rivés sur le lit de cailloux transformé en corridor de mort.
La province du Sud-Kivu, épicentre de cette tragédie écologique, cumule les paradoxes. Région à la biodiversité exceptionnelle, elle subit de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique global. Les inondations de Kasaba ne sont malheureusement pas un cas isolé : en 2024, 86% des catastrophes naturelles en RDC étaient liées à l’eau selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Alors que les bulldozers tentent de dégager les routes coupées, une question brûle les lèvres : jusqu’à quand la RDC restera-t-elle spectatrice de ses propres tragédies environnementales ? Les autorités provinciales promettent un plan d’urgence, mais les survivants, eux, attendent des actes concrets. Construction de digues, système d’alerte précoce, reboisement des berges – les solutions existent. Reste à transformer le deuil en volonté politique.
Ce drame souligne une vérité crue : en RDC comme ailleurs en Afrique, les plus pauvres paient le prix fort du changement climatique qu’ils n’ont pas provoqué. Kasaba pleure ses morts aujourd’hui. Mais sans action radicale, quel village congolais sera le prochain sur la liste des martyrs de l’anthropocène ?
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd