La terre a tremblé dans la nuit du 4 mai, secouant les entrailles de Goma d’une magnitude 4,5. Un avertissement sourd venu des profondeurs du rift est-africain, cette cicatrice tectonique qui déchire lentement le continent. Si aucun dégât n’est à déplorer, ce séisme vient rappeler une réalité glaçante : le bassin du Kivu vit au-dessus d’une poudrière géologique.
Un réveil brutal sous les pieds des Gomatraciens
À 10 kilomètres sous terre, la friction des plaques a propagé ses ondes jusqu’aux villages de Kihihi et Katanda, ébranlé les murs de Butembo jusqu’à Beni. Les témoignages affluent d’un territoire habitué aux colères de la nature, mais jamais rassuré. « Ça a duré quelques secondes, mais chaque seconde pesait comme une éternité », confie un habitant de Sake, zone déjà meurtrie par les conflits armés.
Le spectre du Nyiragongo plane
L’observatoire volcanologique de Goma garde les yeux rivés sur les courbes sismiques. Le Nyiragongo, ce géant de feu responsable de l’éruption meurtrière de 2021, semble dormir. Le Nyamulagira voisin aussi. Pourtant, chaque vibration réveille les cauchemars urbains. « L’absence de fractures ouvertes aujourd’hui ne garantit rien pour demain », insiste un géologue sous couvert d’anonymat. La mémoire collective n’a pas oublié ces fleuves de lave dévorant 3 500 habitations en 48 heures.
Une population entre résilience et vulnérabilité
Comment expliquer cette normalité apparente après le séisme ? Les constructions en matériaux légers, l’habitude des secousses fréquentes… Mais cette apparente adaptation cache une terrible vérité : Goma grandit sur un sol friable, sans normes parasismiques. Chaque nouvelle bâtisse aggrave le risque. Pourtant, les plans d’urbanisme tardent à intégrer cette réalité géologique.
Le rift est-africain : cette bombe à retardement
Le séisme du 4 mai s’inscrit dans la lente déchirure continentale qui écarte l’Afrique de l’Est de 2 cm par an. Un processus imperceptible qui accumule des tensions catastrophiques. « Nous surveillons un système de failles complexe où chaque mouvement local influence l’ensemble », explique un expert de la Commission géologique congolaise. La dernière alerte remonte à février 2023 : un séisme de magnitude 5 avait alors fissuré des écoles à Bukavu.
Un bilan zéro dégât ? Vraiment ?
Si les autorités se félicitent de l’absence de victimes, les ONG environnementales tempèrent : « L’impact écologique existe toujours ». Les vibrations peuvent fragiliser les pentes du lac Kivu, riche en gaz mortels. Un glissement de terrain pourrait libérer ces poches de CO2, répétant le scénario tragique du lac Nyos au Cameroun en 1986 (1 746 morts asphyxiés).
Prévention : l’urgence ignorée
Goma dispose-t-elle des outils pour anticiper la prochaine catastrophe ? Les stations de surveillance manquent de maintenance. Le dernier exercice d’évacuation date de 2022. Pire : les quartiers spontanés grignotent les zones rouges identifiées par les vulcanologues. « On joue à la roulette russe avec des vies humaines », dénonce une activiste locale.
Ce séisme modéré doit servir d’avertissement. La RDC ne peut se contenter de compter ses miraculés. Il est temps d’écouter les grondements de la terre, d’investir dans des infrastructures résilientes, d’éduquer les populations. Car dans cette région où conflits armés et dangers naturels s’entremêlent, la prochaine secousse pourrait écrire une histoire bien plus tragique.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net