La République démocratique du Congo (RDC) s’apprête à vivre un nouveau chapitre judiciaire décisif avec la reprise, ce lundi 3 mars 2025, du procès opposant le ministère public à l’ancien Premier ministre Matata Ponyo et ses coaccusés devant la Cour constitutionnelle. Cette affaire, qui s’inscrit dans le cadre des présumés détournements massifs de fonds liés au projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, retient l’attention de la nation entière. Initialement prévue le 11 novembre 2024, l’audience avait été suspendue, laissant planer de nombreuses interrogations sur la suite des événements.
Ce retour en salle d’audience s’accompagne d’un changement notable : la nomination du nouveau procureur général près la Cour constitutionnelle, John-Prospère Moke Mayele. Succédant à Jean-Paul Mukolo Nkokesha, dont les deux mandats ont pris fin, ce dernier imprimera-t-il une nouvelle dynamique à cette vaste enquête, symbole d’un combat contre la corruption en RDC ? Les attentes sont grandes.
Au cœur de ces accusations, Matata Ponyo, l’homme d’affaires sud-africain Christof Grobler, et l’ex-gouverneur de la Banque Centrale du Congo, Deogratias Mutombo, sont pointés du doigt pour avoir détourné plus de 115 millions de dollars. Ces malversations incluent des surfacturations systématiques, la mise en place de sociétés écrans, et des violations flagrantes des procédures administratives. L’accusation est lourde : 89 millions de dollars destinés à la construction d’un marché international à Kinshasa n’auraient jamais été versés. Ces révélations laissent entrevoir l’ampleur des failles dans la gestion des fonds publics.
Le rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF) s’avère accablant. Il met en lumière le rôle central de la société sud-africaine Africom et de sa prétendue filiale écran, Desticlox Pty Ltd. Cette dernière, enregistrée en 2019 en Afrique du Sud avec l’objet social de « commerce général », est accusée d’avoir servi de couverture parfaite pour des transactions suspectes. Selon les enquêteurs, Desticlox partageait la même adresse et les mêmes ressources humaines qu’Africom, aussi bien en Afrique du Sud qu’à Kinshasa. Comment une telle configuration a-t-elle pu échapper au contrôle des autorités de l’époque ?
Parmi les faits troublants relevés par l’IGF, l’on note également les paiements douteux effectués en 2016 à une autre société sud-africaine, Agrivest, fondée par les mêmes actionnaires que Desticlox. Cette société aurait perçu près de 11 millions de dollars, dont 4,9 millions pour des travaux de gravillonnage d’une route menant au site de Bukanga Lonzo, qui reste toujours, jusqu’à ce jour, en terre battue. Malgré les millions investis, le projet agro-industriel, vanté comme une solution pour assurer la sécurité alimentaire en RDC, se dresse désormais comme un symbole d’un échec cinglant et d’une mauvaise gouvernance préjudiciable pour le pays.
Cette affaire dépasse largement les enjeux financiers. Elle pose la question de la responsabilité politique et administrative dans la gestion des projets d’envergure en RDC. L’éclatement de toute la vérité sur cette affaire pourrait-il résonner comme un signal fort contre l’impunité, longtemps critiquée dans la sphère politique congolaise ? L’audience de ce lundi s’annonce cruciale pour Matata Ponyo et ses coaccusés, mais aussi pour redonner une certaine crédibilité à la lutte anti-corruption dans un pays où la transparence demeure un défi majeur.
Avec ce procès en cours, les regards sont désormais tournés vers la Cour constitutionnelle, qui a l’opportunité de démontrer son indépendance et son engagement à rétablir la vérité. L’enjeu dépasse les tribunaux : il s’agit avant tout de redonner espoir au peuple congolais et de tracer une voie vers une gouvernance plus éthique et inclusive.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd