L’aéroport international de N’djili a été le théâtre, mercredi 24 décembre, d’un événement porteur d’espoirs pour le secteur aéronautique national. Un nouvel Embraer E-190, d’une capacité de 90 passagers, a été officiellement réceptionné par la compagnie aérienne nationale Congo Airways. Cette acquisition, réalisée via un partenariat avec la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), est présentée comme l’étincelle relanant les activités de la compagnie, suspendues depuis le 12 avril 2025. Comment cette nouvelle machine peut-elle infléchir la trajectoire critique d’un transporteur clé pour la connectivité du pays ?
Le président du conseil d’administration de Congo Airways, Jean-Bertrand Ewanga, a placé la cérémonie sous le signe de la reconnaissance envers le chef de l’État. « La réception de cet avion est une occasion pour moi de rendre un hommage déférent au président Tshisekedi… Il n’a pas ménagé d’efforts pour s’occuper de Congo Airways », a-t-il déclaré, soulignant que cette concrétisation matérialise la volonté présidentielle de préserver un outil de « consolidation de l’unité nationale ». Derrière les symboles, l’enjeu est économique et stratégique : redonner vie à un maillon essentiel des infrastructures de transport en RDC.
Cette arrivée intervient après une période de turbulences extrêmes. Les opérations de Congo Airways sont à l’arrêt depuis avril 2025, suite à l’expiration des contrats de location avec équipage (wet-lease) signés avec KlasJet. Pire, la flotte propriétaire de la compagnie aérienne nationale RDC était elle-même clouée au sol, paralysée par des problèmes techniques aigus, notamment un manque criant de moteurs de rechange et d’entretien adéquat. Une situation qui avait poussé, dès septembre 2024, l’IATA et l’Autorité de l’aviation civile congolaise à accorder un moratoire de 90 jours pour éviter la perte fatidique du certificat de transporteur aérien (CTA).
L’Embraer E-190 est donc bien plus qu’un simple ajout d’actif. Il constitue le premier jeton tangible du plan de relance de Congo Airways, confié depuis janvier 2025 au nouveau directeur général, Alexandre Tshikala Mukendi. Nommé par ordonnance présidentielle, ce dernier a pour mission herculéenne de redresser la compagnie. Sa feuille de route, présentée fin janvier, dessine un horizon en cinq ans. Elle prévoit notamment l’acquisition de trois Airbus A320, via des mécanismes de leasing ou d’achat, et une refonte complète de la gouvernance interne. Le succès de ce plan repose sur un triptyque : une réorganisation managériale rigoureuse, un appui politique soutenu des plus hautes autorités et, point crucial, une mobilisation financière dont la CNSS apparaît comme un pilier central aux côtés du gouvernement.
L’implication de la Caisse nationale de sécurité sociale dans ce sauvetage pose une question fondamentale de gestion des fonds sociaux. Ce partenariat financier représente-t-il un investissement judicieux pour l’avenir des cotisants ou un placement risqué dans un secteur notoirement volatile ? La réponse dépendra de la capacité de la nouvelle direction à transformer cet apport en cash-flow positif. Le défi est de taille, car il ne s’agit pas seulement de faire voler un avion, mais de reconstruire une chaîne de valeur opérationnelle fiable, une image de marque crédible et la confiance des passagers.
À court terme, la remise en service de cet Embraer E-190 doit permettre à Congo Airways de reprendre progressivement certaines lignes intérieures essentielles, recréant ainsi un premier réseau et des revenus d’exploitation. C’est une condition sine qua non pour stabiliser la situation avant d’envisager des expansions. La route vers la rentabilité reste longue et semée d’embûches, dans un contexte africain où la concurrence est féroce et les coûts d’exploitation élevés.
En définitive, le nouvel appareil sur le tarmac de N’djili est un symbole fort, mais il n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le vrai test pour le plan de relance de Congo Airways commence maintenant. Il se jouera dans la capacité à gérer efficacement cette ressource, à exécuter la stratégie définie et à restaurer une culture de la sécurité et du service. L’avenir de la souveraineté aérienne congolaise se joue dans cette équation complexe où la volonté politique, l’expertise technique et la rigueur financière doivent converger. Le décollage de l’Embraer ne sera réussi que si il marque le début d’un vol durable.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
