Dans un camp de déplacés aux abords de Bukavu, au Sud-Kivu, les regards sont vides. « Avant, on cultivait nos champs. Maintenant, on attend une aide qui n’arrive plus, ou si peu », murmure une mère de famille, le visage creusé par l’inquiétude. Cette attente angoissée résume le drame silencieux qui se joue dans l’est de la République Démocratique du Congo, où un regain de violence plonge des communautés entières dans une précarité extrême. Comment en est-on arrivé à ce point de rupture ? Les récentes attaques et l’instabilité chronique ont fait basculer des milliers de foyers dans une dépendance vitale à l’aide humanitaire, une aide aujourd’hui gravement menacée.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a tiré la sonnette d’alarme ce mardi 23 décembre. L’agence onusienne, confrontée à une flambée de violence dans la province du Sud-Kivu, lance un appel à un financement d’urgence de 67 millions de dollars. Cet argent est crucial pour simplement maintenir son assistance alimentaire au cours des trois prochains mois. Sans ces fonds, les opérations pourraient être brutalement interrompues, condamnant des populations déjà exsangues. « Cette crise alimentaire risque de s’aggraver si des mesures urgentes ne sont pas prises », a averti Cynthia Jones, représentante intérimaire du PAM en RDC. Son cri d’alarme est clair : la région est au bord d’une catastrophe.
Les chiffres donnent le vertige. Selon le PAM, 2,8 millions de personnes sont déjà confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans la seule province du Sud-Kivu. Parmi elles, près d’un million sont classées en situation d’urgence, à un pas de la famine. Et le pire est peut-être à venir. Les projections sont apocalyptiques : d’ici janvier 2026, le nombre de personnes touchées par cette crise alimentaire au Sud-Kivu pourrait être multiplié par sept. Une spirale infernale que l’agence tente désespérément d’enrayer, mais ses moyens sont au bord de l’épuisement. Ce sous-financement chronique est un cancer qui ronge la réponse humanitaire depuis des années.
La violence au Sud-Kivu en RDC ne se contente pas de détruire les récoltes et les marchés ; elle chasse les gens de chez eux. Cette crise a provoqué des mouvements de panique vers les pays voisins. Au Burundi, le PAM soutient près de 94 000 nouveaux arrivants congolais, des réfugiés qui ont tout perdu. L’agence leur fournit des repas chauds dans des centres de transit surpeuplés. Au Rwanda, jusqu’à 1 000 personnes bénéficient d’une assistance d’urgence. Mais cette bouée de sauvetage est en train de se dégonfler. Face au manque de ressources, le PAM a dû prendre une décision déchirante : réduire de 75% les rations alimentaires destinées aux réfugiés au Burundi. Imaginez un peu : une assiette déjà maigre réduite au quart. Comment survivre avec cela ?
« Sans aide d’urgence et sans financement supplémentaire, nous ne pouvons pas répondre à une crise qui est au bord d’une catastrophe alimentaire », insiste Cynthia Jones. Le message ne pourrait pas être plus direct. L’appel de 67 millions de dollars pour le Sud-Kivu n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour poursuivre ses opérations à l’échelle nationale, le PAM a besoin de 350 millions de dollars. Le Burundi et le Rwanda, qui accueillent des milliers de réfugiés congolais, ont également lancé des appels de fonds respectifs de 39 et 17 millions de dollars. La communauté internationale va-t-elle encore une fois fermer les yeux jusqu’à ce que les images de la famine fassent la une des journaux ?
Sur le terrain, la colère et le désespoir montent. Les stocks prépositionnés par le PAM dans certaines zones risquent de ne servir qu’à retarder l’inévitable. Les travailleurs humanitaires sont sur le front, mais leurs mains sont de plus en plus liées par le manque de moyens. Cette situation pose une question fondamentale sur notre solidarité collective. La crise alimentaire au Sud-Kivu est le résultat direct de l’instabilité et de la violence, mais elle est amplifiée par l’indifférence des bailleurs. Peut-on accepter que des millions de vies soient suspendues à des lignes budgétaires ?
L’enjeu est désormais sociétal et politique. Il ne s’agit plus seulement de nourrir des bouches, mais de préserver la stabilité d’une région entière. La faim est un terreau fertile pour les conflits et les déplacements massifs. En négligeant l’appel au financement d’urgence du PAM, la communauté internationale prend le risque de voir toute la région des Grands Lacs sombrer dans un chaos encore plus profond. L’heure n’est plus aux déclarations de principe, mais à l’action concrète. Le temps presse, et chaque jour perdu rapproche des milliers de familles congolaises de l’irréparable.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
