Dans un contexte de tensions régionales persistantes, l’Union sacrée pour la nation (USN) a mobilisé ses troupes ce vendredi dans les artères de la capitale congolaise. Ce rassemblement politique Kinshasa, présenté comme pacifique, visait moins à marquer les esprits par son ampleur qu’à envoyer un message politique cristallin, tant à l’opposition intérieure qu’aux acteurs internationaux. Le cœur de la revendication ? L’application stricte de la résolution 2773 RDC, ce texte symbolique qui exige le retrait rwandais et la fin du soutien au M23, et dont l’ombre plane désormais sur chaque initiative diplomatique.
Le parcours, de la Cohydro-Limete au Palais du Peuple, n’était pas anodin. Il s’agissait d’une marche vers le siège du Parlement, lieu de tous les débats et de toutes les inerties. La présence des drapeaux américains le long du cortège n’est pas un détail décoratif ; elle agit comme un rappel subtil, voire un avertissement, du rôle de médiateur endossé par Washington après l’accord du 4 décembre. L’USN, par ce geste, place la balle dans le camp des médiateurs : que fait la communauté internationale face au non-respect flagrant de ses propres résolutions ? La manifestation Kinshasa se transforme ainsi en tribune géante, interpellant directement la crédibilité du processus engagé.
La prise de parole d’André Mbata USN, secrétaire permanent de la plateforme, devant les cadres et militants, est l’élément central de cette démonstration de force. Son discours, attendu, a sans doute servi à resserrer les rangs et à réaffirmer la ligne dure du parti présidentiel sur la question sécuritaire dans l’Est. Mais au-delà des mots, la composition du cortège parle d’elle-même. La galaxie de partis présents – de l’UDPS historique à l’AGPC de Carol Agito, en passant par les formations de Samy Badibanga, Adèle Kanyinda ou encore la CONADEC – dessine la cartographie d’une majorité présidentielle en quête de cohésion. Cette marche est-elle le signe d’un bloc uni, ou révèle-t-elle, à l’inverse, la nécessité pour l’USN de prouver publiquement sa capacité de mobilisation face à des alliés parfois volatils ?
La présence de figures comme Sylvain Mutombo et Déo Bizibu aux côtés d’André Mbata donne du poids à l’événement, mais elle invite également à une lecture stratégique. Le conflit RDC Rwanda n’est plus seulement une affaire de défense nationale ; il est devenu un levier politique intérieur puissant, un ciment – parfois fragile – pour la majorité. En organisant ce rassemblement, l’USN joue un double jeu : exhorter la communauté internationale à plus de fermeté tout en consolidant son narratif patriotique face à une opinion publique congolaise exaspérée par l’impasse sécuritaire. Le risque, cependant, est de voir ce type d’initiative confiné à un exercice de communication, sans impact tangible sur le terrain militaire ou diplomatique.
Quelles sont les implications réelles de ce rassemblement ? D’abord, il maintient la pression sur le gouvernement de Kigali, en rappelant que la classe politique kinoise, du moins sa frange majoritaire, reste mobilisée sur le dossier. Ensuite, il sert de test pour l’USN elle-même, évaluant sa capacité à faire descendre la rue pour une cause suprême. Enfin, et peut-être surtout, il place le président Tshisekedi dans une position délicate. Ce dernier peut-il se contenter de manifestations de soutien, ou cette mobilisation populaire orchestrée par ses alliés directs l’oblige-t-elle à des actions concrètes et audibles pour faire avancer l’application de la fameuse résolution ? L’échec à obtenir des résultats rapides pourrait, à terme, se retourner contre ceux qui ont aujourd’hui brandi les drapeaux.
La suite des événements sera donc cruciale. Cette manifestation Kinshasa de l’USN résonne comme un ultimatum politique plus que comme une simple marche de soutien. Elle marque un nouveau chapitre dans la gestion politique du conflit RDC Rwanda, où la diplomatie des communiqués doit laisser place à des actes. La crédibilité de la plateforme et du pouvoir qu’elle soutient se jouera non pas sur le bitume de Limete, mais dans la capacité à transformer cette démonstration de rue en levier efficace pour la paix et la souveraineté du territoire. Le véritable rassemblement, celui des résultats, reste à venir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
