La zone de santé de Kayna, dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu, est frappée par une tragédie silencieuse. En l’espace de trois mois seulement, au moins 92 nouveau-nés, des bébés âgés de 0 à 28 jours, ont perdu la vie. Ce chiffre, communiqué par l’Ordre des sages-femmes du territoire, dessine une réalité alarmante pour la santé infantile dans cette région de la RDC. Mais quelle est la cause principale de cette hécatombe ? Les professionnels de santé sur le terrain pointent du doigt une absence criarde : celle d’une unité de néonatologie fonctionnelle à l’hôpital général de référence de Kayna et dans les centres de santé alentour.
Imaginez un nourrisson né bien avant son terme, fragile comme un oisillon. Sans une couveuse pour le maintenir au chaud, sans un respirateur pour l’aider à souffler, ses chances de survie s’amenuisent considérablement. C’est précisément le scénario qui se répète à Kayna. En l’absence de services spécialisés, les enfants nés prématurément, ainsi que ceux touchés par des pathologies graves, ne bénéficient tout simplement pas d’une prise en charge adaptée. Cette carence structurelle explique en grande partie la flambée de la mortalité néonatale Kayna.
Gerlas Kasiko, président de l’Ordre des sages-femmes Lubero, sonne l’alarme. « De Kanyabayonga jusqu’à Musienene, nous n’avons pas d’unité de néonatologie », déplore-t-il. Les conséquences sont tangibles et se mesurent en vies humaines. Les statistiques sont glaçantes : sur les 23 aires de santé que compte la zone, un nouveau-né décède chaque jour. Ce problème persistant n’est malheureusement pas nouveau, mais son ampleur actuelle appelle une réaction urgente.
Au-delà de la prématurité, d’autres menaces pèsent sur les nourrissons dans leurs premiers jours de vie. Le paludisme, véritable fléau en RDC, et les infections uro-génitales font également des ravages. Sans équipements pour poser des diagnostics précis ni pour administrer des traitements intensifs, le personnel soignant est souvent réduit à l’impuissance. Les sages-femmes et infirmiers utilisent les techniques de base apprises à l’école, mais ces gestes, aussi bien intentionnés soient-ils, ne peuvent remplacer un plateau technique complet. « Ceux qui peuvent être sauvés le sont, et les autres périssent faute d’effectifs et d’équipements adaptés », explique Gerlas Kasiko, dressant un constat amer de la situation sur le terrain.
Face à cette urgence humanitaire et sanitaire, l’appel à l’action est clair. Les professionnels locaux en appellent au gouvernement congolais et aux partenaires internationaux. La priorité ? Doter l’hôpital Kayna RDC et les structures de santé périphériques du matériel indispensable au fonctionnement d’une véritable unité néonatologie Nord-Kivu. Il s’agit de couveuses, de respirateurs artificiels, de matériel de monitoring, mais aussi de former et de renforcer les effectifs médicaux. « Ils doivent venir nous apporter leur soutien pour que le service soit correctement opérationnel et que cette mortalité baisse de manière significative », plaide le président des sages-femmes.
Cette situation à Kayna pose une question fondamentale sur l’accès aux soins essentiels dans les régions éloignées de la République Démocratique du Congo. La néonatologie n’est pas un luxe, mais une spécialité médicale vitale qui sauve des bébés chaque jour dans le monde. Investir dans de telles unités, c’est investir dans l’avenir du pays et protéger ses citoyens les plus vulnérables. La baisse de la mortalité infantile passe par des actions concrètes et un engagement politique fort pour équiper les hôpitaux et former le personnel.
Que faire en attendant ? La sensibilisation des futures mères aux signes de danger chez le nouveau-né et la promotion des consultations prénatales régulières restent des leviers importants. Cependant, sans un système de santé capable de prendre le relais en cas de complication à la naissance, ces efforts auront une portée limitée. La création d’une unité de néonatologie à Kayna serait un signal fort, une preuve que chaque vie compte, même dans les territoires les plus reculés du Nord-Kivu. La balle est désormais dans le camp des décideurs pour inverser une tendance qui, mois après mois, vole l’avenir à des dizaines de familles congolaises.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
