La mission de prévention des conflits du Bureau des Nations unies pour l’Afrique centrale reste plus que jamais cruciale. Cet avertissement a été lancé ce jeudi 11 décembre 2025 par Charlotte Saudin, coordonnatrice politique adjointe de la France auprès de l’ONU. Dans un contexte de fragilité extrême, l’ombre de la déstabilisation plane sur toute la région.
Les risques sont multiples et interconnectés. La diplomate française a pointé du doigt l’impact déstabilisateur du conflit au Soudan sur ses voisins, le Tchad et la République centrafricaine. L’afflux massif de réfugiés dans des zones déjà vulnérables exerce une pression insoutenable sur les ressources humanitaires, déjà fortement sollicitées. Cette crise multidimensionnelle menace de faire basculer des équilibres précaires.
Mais c’est à l’est de la République démocratique du Congo que la situation atteint un point critique. L’offensive du M23, milice soutenue selon les multiples rapports internationaux par les Forces rwandaises de défense (RDF), ne se contente plus de menacer la souveraineté congolaise. Elle représente désormais une menace directe pour la stabilité du Burundi et de l’ensemble de la région des Grands Lacs. Une région pour laquelle la communauté internationale s’était pourtant mobilisée, lors de la conférence de Paris fin octobre, face à la deuxième crise humanitaire la plus importante du continent.
Comment en est-on arrivé à une telle escalade ? Les récents développements sur le terrain apportent une réponse alarmante. La ville stratégique d’Uvira, dans le Sud-Kivu, est tombée sous le contrôle de la rébellion de l’AFC/M23. Considérée comme un verrou essentiel dans le dispositif sécuritaire gouvernemental, sa perte est un coup dur. Cette avancée renforce considérablement l’emprise du groupe armé sur les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Plus inquiétant encore, elle ouvre potentiellement la voie vers l’espace Grand Katanga, le poumon économique de la RDC. La chute d’Uvira n’est pas qu’un symbole ; c’est un changement tactique majeur.
Cette détérioration rapide intervient dans un timing qui interroge. Elle coïncide en effet avec l’entérinement des accords de Washington, signés entre Kinshasa et Kigali sous les auspices des États-Unis. Ces accords étaient censés valider un cessez-le-feu et ouvrir une voie vers la paix. La réalité sur le terrain les contredit violemment. Au lieu d’une accalmie, une escalade militaire a été observée. Les accusations mutuelles entre la RDC et le Rwanda quant à la responsabilité de cette dégradation n’ont fait que croître, laissant les médiateurs internationaux dans l’embarras.
La prise d’Uvira revêt une signification politique profonde. Après l’occupation de Bukavu en février 2025, le gouvernement congolais avait désigné Uvira comme siège provisoire des institutions dans les zones encore sous son contrôle au Sud-Kivu. La perdre signifie bien plus qu’un recul territorial. Pour le chef de la diplomatie burundaise, cet événement constitue une véritable “gifle” infligée à Washington, seulement quelques jours après la signature des accords. Un revers cinglant pour la diplomatie américaine et un signal clair de la part des belligérants.
Que reste-t-il alors des promesses de paix ? La mission de prévention des conflits de l’ONU se retrouve face à un défi monumental. La sécurité en Afrique centrale est plus précaire que jamais. L’offensive du M23, soutenue depuis l’extérieur, démontre la limite des engagements sur papier. Les accords de Washington entre Kinshasa et Kigali apparaissent déjà comme un vœu pieux face à la réalité des combats et des conquêtes territoriales. La communauté internationale est sommée de passer des déclarations d’intention à des actions concrètes et coercitives. La stabilité de toute une région est en jeu, et le temps presse pour éviter un embrasement généralisé. La prévention des conflits doit désormais composer avec une guerre qui a déjà repris ses droits.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
