Dans l’effervescence créative qui pulse au cœur de Kinshasa, une initiative audacieuse vient bousculer les codes établis du marché de l’art. Comment rendre l’expression artistique, souvent perçue comme un privilège, accessible à toutes les bourses ? C’est le défi relevé par la seconde édition de l’exposition “20$”, qui s’annonce comme un événement phare de la vie culturelle kinoise de ce mois de décembre.
Porté par le dynamique Mission Impossible Studio en symbiose avec la galerie Malabo, ce projet se déploiera du 7 au 21 décembre dans l’écrin de l’avenue Luvua. Bien plus qu’une simple présentation d’œuvres, cette exposition 20$ Kinshasa se pose en manifeste, en acte concret pour démocratiser la création. Elle s’attaque frontalement à une barrière souvent infranchissable : le prix. Dans un contexte où l’acquisition d’une pièce originale relève parfois de l’exploit financier, l’idée de plafonner les ventes à vingt dollars américains apparaît comme une petite révolution.
Le pari est ambitieux : valoriser le travail exigeant des artistes congolais contemporains tout en respectant la réalité économique des amateurs d’art. Les organisateurs ont mis au point un modèle économique ingénieux pour garantir une rémunération équitable aux créateurs, prouvant que l’art accessible Congo n’est pas une utopie, mais une volonté. Cette démarche résonne comme un acte de justice culturelle, offrant à un public élargi la chance d’entrer en possession d’un fragment de l’âme créative du pays.
Cinq voix artistiques, cinq univers distincts, seront au centre de cette expérience. Douze Mbemba, Alphonse Nganga, Romario Lukau, Brunelle Mambu et Syntyche Mbembo déploieront leurs visions singulières. Leurs œuvres, habituellement proposées à des tarifs bien supérieurs, se révèleront ici dans une accessibilité inédite. Entre abstractions qui parlent à l’inconscient, réinterprétations de motifs traditionnels, figurations chargées d’émotion et expérimentations avec des matériaux locaux, c’est un panorama vibrant de la scène actuelle qui sera offert au regard.
Chaque artiste, avec sa signature, contribue à un dialogue plus large sur l’identité, la mémoire et la modernité. Leurs créations, condensés de sens et d’habileté, deviennent soudainement des compagnons possibles pour le collectionneur novice comme pour l’esthète aguerri. Cette exposition fonctionne ainsi comme un nivellement par le haut, où la qualité ne cède rien à la philosophie d’ouverture.
Le coup d’envoi de cette aventure collective sera donné lors du vernissage Kinshasa décembre prévu le dimanche 7 décembre à 14h30. Ce moment inaugural promet d’être bien plus qu’une simple ouverture ; il sera la concrétisation d’une communauté qui se rassemble autour du beau, sans exclusive. L’atmosphère de la galerie Malabo, imprégnée de ces œuvres à la fois affirmées et abordables, devrait électriser l’espace, créant un lieu de rencontre entre les artistes, leurs travaux et un public curieux et diversifié.
Au-delà de l’aspect transactionnel, l’exposition “20$” pose une question essentielle : à qui appartient l’art ? En rendant tangible la possibilité de posséder une œuvre originale, elle redistribue les cartes de la consommation culturelle. Elle insuffle l’idée que la création contemporaine congolaise n’est pas une vitrine lointaine, mais un bien commun à s’approprier, à vivre au quotidien. Cette initiative de Mission Impossible Studio et de la galerie Malabo pourrait bien inspirer d’autres acteurs du secteur, ouvrant la voie à une nouvelle économie de l’art plus inclusive.
Alors que Kinshasa continue d’affirmer son statut de plaque tournante culturelle en Afrique centrale, des événements comme celui-ci en consolident les fondations. Ils témoignent d’une vitalité qui refuse la ségrégation par l’argent et qui croit en la puissance de l’art à transformer le regard et à créer du lien. Du 7 au 21 décembre, l’avenue Luvua deviendra le théâtre de cette belle utopie devenue réalité, où chaque visiteur pourra repartir avec un morceau de rêve congolais pour la modique somme de vingt dollars.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
