La République Démocratique du Congo vient de tourner une page cruciale de son histoire sanitaire. Ce lundi 1er décembre 2025, les autorités ont officiellement déclaré la fin de l’épidémie d’Ebola dans la zone de santé de Bulape, au cœur de la province du Kasaï. Cette annonce solennelle, présidée par la Première Ministre Judith Suminwa, intervient après une période de vigilance extrême de 42 jours sans qu’aucun nouveau cas ne soit enregistré. Un délai qui, dans le monde de la virologie, correspond au double de la période d’incubation maximale du virus et signe ainsi sa probable éradication locale.
Mais comment une telle victoire a-t-elle été possible dans une zone rurale réputée difficile d’accès, où les défis logistiques sont immenses ? La réponse tient en une mobilisation sans faille. Sous la direction du ministre Samuel Roger Kamba, le ministère de la Santé Publique, Hygiène et Prévoyance sociale, appuyé par l’Organisation Mondiale de la Santé et divers partenaires, a déployé une stratégie agressive. Surveillance épidémiologique renforcée, prise en charge rapide et isolée des malades, et surtout, une campagne intensive de sensibilisation communautaire ont formé le trio gagnant pour briser la chaîne de transmission.
Cette réussite est aussi le fruit d’un héritage scientifique précieux. En marge de la célébration, le ministre Kamba a rendu un hommage appuyé au professeur Jean-Jacques Muyembe, le virologue congolais qui a découvert le virus Ebola en 1976. « Grâce à lui, nous avons non seulement le diagnostic d’Ebola, grâce à lui nous n’avons pas seulement le médicament contre Ebola, mais grâce à lui nous avons énormément de chercheurs », a-t-il souligné. Pour pérenniser cet apport, une annonce majeure a été faite : la création du Prix Jean-Jacques Muyembe.
Cette nouvelle distinction nationale vise à honorer et à soutenir l’excellence dans la lutte contre les maladies infectieuses. Elle récompensera annuellement des chercheurs, des prestataires de soins et des acteurs communautaires qui se seront distingués par leur engagement sur le terrain. « Cette distinction […] ira vers toutes les personnes qui se distingueront dans la lutte contre les épidémies, et qui pourront effectivement bénéficier de ce prix pour continuer le travail », a précisé le ministre. Un moyen concret de transformer l’hommage en un levier pour l’avenir, en s’assurant que l’expertise et le dévouement continuent de fleurir en RDC.
Le ministre a partagé une anecdote révélatrice de l’engagement continu du Pr Muyembe, même après 80 ans. Lors du début de cette 16e épidémie Ebola en RDC, c’est lui qui a confirmé au ministre qu’il s’agissait bien de la souche Zaïre, permettant ainsi d’utiliser le vaccin spécifique adapté. Cet épisode illustre comment le savoir-faire accumulé depuis des décennies permet aujourd’hui des réponses plus rapides et plus ciblées.
Cette épidémie, la seizième que connaît le pays depuis la découverte du virus, rappelle la vulnérabilité constante de certaines régions. Elle s’est déclarée dans un contexte sanitaire déjà lourd, où cohabitent d’autres menaces comme le Mpox (ex-variole du singe), le choléra et la rougeole. La fin de l’épidémie à Bulape santé offre donc un répit, mais pas un relâchement. Elle souligne l’impérieuse nécessité de maintenir des systèmes de surveillance robustes et des capacités de réponse rapide, surtout dans les zones reculées.
Que faut-il retenir de cet épisode ? D’abord, que la collaboration entre autorités sanitaires, scientifiques et communautés locales est la clé pour contenir des flambées épidémiques, même dans des conditions difficiles. Ensuite, que l’investissement dans la recherche et la formation de scientifiques nationaux, à l’image du Pr Muyembe, porte ses fruits sur le long terme. Enfin, que chaque victoire contre un virus aussi redoutable qu’Ebola renforce la résilience du système de santé congolais tout entier.
Alors que le pays tourne la page de cette 16e épidémie Ebola, la création du Prix Muyembe envoie un signal fort : la RDC ne se contente pas de gérer les crises, elle construit aussi son avenir scientifique. Elle reconnaît que ses plus grands atouts dans cette guerre invisible sont les femmes et les hommes qui, sur le terrain ou dans les laboratoires, se battent chaque jour pour la santé de tous.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
