La forêt équatoriale de la République Démocratique du Congo, poumon vert de l’Afrique, abrite une créature aussi discrète qu’emblématique : l’okapi. Aujourd’hui, ce trésor national en détresse vient de franchir un cap crucial dans sa lutte pour la survie. Les Parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) viennent en effet d’inscrire l’okapi à l’Annexe I, le niveau de protection internationale le plus strict. Cette décision historique interdit tout commerce commercial international de l’espèce, de ses parties ou de ses dérivés. Une bouée de sauvetage pour un animal déjà pleinement protégé par la loi congolaise, mais dont l’ombre de l’extinction s’allonge dangereusement.
Pourquoi une telle urgence ? Le « fantôme de la forêt », comme il est parfois surnommé, est classé « En danger » sur la liste rouge de l’UICN. Son aire de répartition se réduit comme une peau de chagrin sous la pression combinée du braconnage okapi pour sa viande et sa peau, et de la destruction effrénée de son habitat. La perte de la forêt, grignotée par l’agriculture et l’exploitation forestière, asphyxie peu à peu cette espèce endémique. L’inscription à l’Annexe I de la CITES n’est donc pas qu’un symbole ; c’est un outil puissant pour renforcer les contrôles aux frontières, traquer les réseaux de commerce illégal et envoyer un message sans équivoque aux trafiquants.
L’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et la Wildlife Conservation Society (WCS) ont salué avec force cette décision. Pour eux, c’est une étape critique dans la protection okapi RDC. « Cette mesure envoie un message fort de soutien aux communautés et aux autorités de conservation qui se battent sur le terrain », a affirmé Jean Paul Kibambe, directeur de WCS-RDC. Un soutien vital, car la conservation okapi est un défi quotidien. Yves Milan Ngangay, directeur général de l’ICCN, rappelle l’importance culturelle profonde de l’animal pour les peuples de la forêt de l’Ituri, un héritage qu’il faut à tout prix préserver.
Mais où se cachent les derniers refuges de l’okapi ? Les bastions de l’espèce se situent principalement dans la Réserve de faune à okapis – un site du patrimoine mondial de l’UNESCO de 13 726 km² co-géré par l’ICCN et WCS – et dans le parc national de la Lomami. Ces sanctuaires sont considérés comme abritant les plus grandes populations au monde. L’animal est également présent dans le parc national de Maiko et plusieurs forêts communautaires. Pourtant, même ces zones protégées ne sont pas des forteresses imprenables. Le braconnage y reste une menace persistante, une épée de Damoclès suspendue au-dessus des efforts de conservation.
Alors, cette nouvelle protection internationale sera-t-elle la clé du salut ? Elle offre indéniablement un cadre juridique renforcé pour poursuivre les trafics transfrontaliers. Elle doit permettre d’améliorer le suivi et la coordination entre les pays. Cependant, le défi ultime reste sur le terrain congolais. La survie de l’okapi est intrinsèquement liée à la santé des écosystèmes forestiers et à l’implication des communautés locales. Sans une lutte acharnée contre le braconnage et une gestion durable des terres, la meilleure loi du monde restera lettre morte.
La décision de la CITES est un formidable coup de projecteur sur le sort de cet animal unique. Elle représente une lueur d’espoir dans un paysage souvent sombre pour la biodiversité congolaise. Mais l’urgence est là, tangible. L’okapi, sentinelle silencieuse de la forêt, nous observe. Sa disparition serait une tragédie écologique et culturelle irréversible. La communauté internationale a montré sa volonté ; il appartient maintenant à tous les acteurs, des décideurs de Kinshasa aux gardes-forestiers de l’Ituri, de transformer cette volonté en actions concrètes et durables. La course contre la montre pour la protection de l’okapi en RDC vient d’entrer dans une nouvelle phase, décisive.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd
