Alors que les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame s’apprêtent à une rencontre symbolique à Washington, un constat sévère émerge quant à la traduction sur le terrain de leurs engagements. Le dernier rapport du Baromètre des accords de paix en Afrique, publié ce 1er décembre 2025, révèle une mise en œuvre particulièrement lente et fragile de l’accord de paix Washington, signé en juin dernier. Cinq mois après cette signature historique, le taux global d’exécution des 30 tâches identifiées n’atteint que 23,3%. Ce chiffre, loin d’être anodin, souligne les écueils persistants qui entravent la pacification de l’Est de la République démocratique du Congo.
Cette stagnation, voire ce recul, interroge la dynamique réelle des relations RDC-Rwanda. En effet, le rapport note que sur les 26 tâches sous la responsabilité de Kinshasa, seules 16 ont connu un début d’exécution, soit un taux de 22,1%. Du côté de Kigali, la situation est similaire, avec 13 tâches sur 22 entamées (22,7%). Seule la communauté internationale, chargée de 7 tâches, fait légèrement mieux avec un taux de 39,2%. Comment expliquer un tel décalage entre les déclarations diplomatiques et la réalité opérationnelle ?
Le processus de paix en Afrique, particulièrement dans la région des Grands Lacs, est souvent marqué par cette dichotomie. L’accord de paix Washington ne fait pas exception. Pourtant, le rapport du Baromètre identifie quelques lueurs d’espoir au cours du mois de novembre 2025. La signature, le 8 novembre, d’un Cadre d’Intégration Économique Régionale entre les deux nations démontre une volonté d’ancrer la paix dans la coopération concrète, au-delà du seul volet sécuritaire. Par ailleurs, la signature d’un accord-cadre avec la rébellion AFC/M23 au Qatar le 15 novembre, ainsi que le fonctionnement régulier des mécanismes de suivi (JSCM et JOC), attestent d’une certaine continuité institutionnelle.
Cependant, ces avancées procédurales peinent à produire des effets tangibles sur le terrain. La désescalade entre les armées congolaise et rwandaise, de même que le désengagement face aux groupes armés comme le M23, restent peu visibles. La médiation américaine, elle, semble suivre son cours. La dernière réunion du Mécanisme Conjoint de Coordination de la Sécurité (MCCS), tenue à Washington les 19 et 20 novembre, a réuni l’ensemble des parties prenantes. Les discussions se sont concentrées sur la mise en œuvre de l’ordre d’opérations (OPORD) visant à neutraliser les forces FDLR et à organiser le désengagement rwandais. Les participants ont salué les efforts de démobilisation, tout en reconnaissant les « difficultés persistantes » de la première phase des opérations.
Cette situation illustre la complexité du processus de paix dans cette région. Après l’échec du processus de Luanda et la chute de Goma, l’accord de paix Washington et le processus de Doha représentent les derniers grands cadres diplomatiques. Leur succès dépend d’une volonté politique constante et d’une pression internationale soutenue. Le Baromètre des accords paix joue ici un rôle crucial en offrant un suivi indépendant et chiffré, forçant les signataires à rendre des comptes sur leurs promesses.
Alors que les deux chefs d’État se retrouvent sous les auspices de l’ancien président américain Donald Trump, la question centrale demeure : parviendront-ils à insuffler une nouvelle dynamique à cette mise en œuvre accord Washington moribonde ? Les RDC Rwanda relations sont à un carrefour. Les prochains mois seront décisifs pour déterminer si cet accord restera un document de bonne intention ou deviendra le fondement d’une paix durable. Les populations de l’Est de la RDC, épuisées par des décennies de conflit, attendent plus que des pourcentages et des réunions ; elles attendent la paix.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
