Dans un geste politique aussi symbolique que stratégique, la Ministre du Portefeuille, Julie Shiku, a officiellement lancé ce lundi 24 novembre le Réseau Femmes Mandataires Publiques (RFMP). Cette initiative inédite dans l’histoire institutionnelle congolaise vise à renforcer l’implication des femmes dans la gouvernance de l’État et à améliorer la performance des entreprises publiques. Le timing de cette annonce n’est pas anodin : il intervient dans un contexte où la question de la parité dans les instances décisionnelles devient un enjeu de crédibilité gouvernementale.
Porté par la vision présidentielle de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et soutenu par le leadership de la Première Ministre Judith Suminwa Tuluka, le RFMP se présente comme un cadre stratégique de collaboration et de partage d’expertise. Mais au-delà des déclarations d’intention, cette structure pourra-t-elle véritablement infléchir les dynamiques de pouvoir traditionnellement masculines qui caractérisent l’administration congolaise ? La question mérite d’être posée, tant les résistances culturelles et structurelles restent importantes.
La Ministre Julie Shiku a souligné avec conviction le rôle déterminant des femmes dans la modernisation de l’État, évoquant notamment la transparence, la redevabilité et l’efficacité managériale. Son plaidoyer pour la consolidation de la confiance entre l’État, ses partenaires et les citoyens résonne comme un appel à transformer en profondeur les pratiques gouvernamentales. Le symbole fort incarné par la Première Ministre Judith Suminwa Tuluka est régulièrement mis en avant, présenté comme une avancée majeure pour l’égalité des chances.
Sur le plan opérationnel, le Réseau Femmes Mandataires Publiques ne se contente pas d’être un simple cadre d’échange. Il ambitionne de devenir un outil stratégique d’accompagnement des mandataires publiques dans l’exercice de leurs responsabilités juridiques, telles que définies par l’Acte Uniforme de l’OHADA. Cette dimension technique est cruciale : elle traduit une volonté d’ancrer l’action du réseau dans le concret du management public et de la gouvernance d’entreprise.
Les missions confiées aux membres de ce réseau sont ambitieuses : élever les standards managériaux, promouvoir la gouvernance moderne et soutenir les réformes engagées au sein du Portefeuille de l’État. Le Ministère du Portefeuille réaffirme ainsi son engagement à promouvoir la compétence, l’intégrité et l’excellence. Le processus de recrutement qu’elle conduit se veut fondé sur l’égalité réelle des chances, avec l’objectif affiché de garantir une présence féminine qualifiée au sein des organes de direction et de contrôle des entreprises publiques.
Mais derrière ces belles déclarations se cachent des défis substantiels. Le leadership féminin au Congo pourra-t-il véritablement s’épanouir dans un environnement institutionnel encore marqué par des pesanteurs bureaucratiques considérables ? Les femmes mandataires publiques parviendront-elles à imposer de nouvelles méthodes de travail et à incarner cette modernisation tant annoncée de la gouvernance RDC ?
L’enjeu dépasse la simple représentation quantitative. Il s’agit de transformer la qualité de l’action publique et de redéfinir les modalités de l’exercice du pouvoir. Les Femmes Mandataires Publiques, par leur engagement et leur leadership, portent non seulement la confiance de la République, mais aussi l’espérance de milliers de jeunes filles qui se projettent à travers leur parcours. Leur réussite individuelle et collective constituera un indicateur clé de la transformation effective de la gouvernance publique en République Démocratique du Congo.
La création du RFMP marque incontestablement une étape importante dans l’architecture institutionnelle du pays. Reste à savoir si ce réseau saura dépasser le stade symbolique pour devenir un véritable levier de changement. Les prochains mois seront déterminants pour mesurer sa capacité à influer sur les pratiques et les mentalités, dans un contexte où les attentes de la population en matière de bonne gouvernance ne cessent de croître.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
