Dans la chaleur étouffante de Samba, au cœur du Maniema, un drame sanitaire se joue dans l’ombre. Comment expliquer que des moustiquaires destinées à sauver des vies puissent devenir l’objet de trafics scandaleux ? La question hante les esprits depuis que dix ballots de moustiquaires imprégnées ont été interceptés alors qu’ils tentaient de quitter illégalement la zone de santé.
« Ces moustiquaires représentaient l’espoir pour des milliers de familles vulnérables », témoigne un habitant de Basonge1, la déception palpable dans la voix. « Savoir que certains voulaient les vendre ailleurs, alors que nos enfants meurent encore du paludisme, c’est une trahison impardonnable. »
L’interception réalisée par les FARDC à la barrière de Luengo a mis au jour un réseau impliquant des agents de santé locaux. Parmi les personnes arrêtées figurent un responsable du bureau central de santé et un employé de l’hôpital général de référence de Kasongo. Le présumé acheteur, originaire de Kongolo au Tanganyika, a également été interpellé et transféré au parquet.
Kambondo Akilimali Lebon, vice-président de la société civile de Basonge1, ne cache pas son amertume : « Nous assistons impuissants à la commercialisation de notre droit à la santé. Ces moustiquaires devaient être distribuées gratuitement dans les prochains jours à des populations qui n’ont souvent pas les moyens de se protéger contre le paludisme. »
La situation révèle les failles béantes dans la chaîne de distribution des produits sanitaires essentiels. Dans une région où le paludisme reste la première cause de mortalité infantile, ce détournement de moustiquaires prend des allures de crime contre la santé publique. Comment des agents censés protéger la population peuvent-ils devenir des prédateurs ?
Kalonda Ngoy Gaston, chargé du programme de lutte contre le paludisme à Samba, reconnaît la gravité des faits : « Nous travaillons à renforcer les mécanismes de contrôle. Ces moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée représentent un investissement crucial dans la lutte contre le paludisme en RDC. Leur détournement équivaut à compromettre des années d’efforts de santé publique. »
La société civile locale exige désormais des sanctions exemplaires. « Il ne s’agit pas seulement de punir les coupables, mais d’envoyer un message fort à tous ceux qui seraient tentés de reproduire ces pratiques », insiste un leader communautaire. « La santé des populations ne peut pas être une marchandise comme les autres. »
Cette affaire de vol de moustiquaires au Maniema soulève des questions fondamentales sur la gouvernance sanitaire dans les provinces congolaises. Alors que la RDC continue sa lutte contre le paludisme, de tels incidents risquent de compromettre les progrès accomplis. La vigilance des FARDC à Luengo a permis d’éviter un désastre, mais combien d’autres cargaisons parviennent-elles à passer entre les mailles du filet ?
La population de Kasongo attend maintenant que justice soit rendue, mais surtout que des mesures concrètes soient prises pour sécuriser définitivement la distribution des moustiquaires. Dans un pays où les ressources sanitaires restent limitées, chaque moustiquaire détournée représente une vie potentiellement sacrifiée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
