Le cri du cœur d’Abigael Kaliki résonne encore dans la salle de conférence de Beni. « Lorsqu’on s’exprime, on nous dit, toi, tu n’es qu’une handicapée, que peux-tu bien dire ? » Cette jeune fille au regard déterminé a brisé le silence lors de la Journée internationale de la jeune fille, dénonçant avec une émotion palpable les discriminations qui empoisonnent son quotidien.
Comment en est-on arrivé à ce que des adolescentes doivent réclamer le simple droit à la dignité ? La question plane dans l’air chargé d’émotion de cette journée de réflexion organisée par le Bureau provincial du Genre, Famille et Enfant. Dans la province du Nord-Kivu, région déjà meurtrie par les conflits, les jeunes filles en situation de handicap affrontent un combat invisible mais tout aussi dévastateur : celui des préjugés et de l’exclusion sociale.
Le témoignage d’Abigael n’est malheureusement pas isolé. Combien de jeunes filles handicapées subissent-elles ces moqueries cruelles dans les cours d’école ? Combien endurent-elles ces regards condescendants dans leur propre communauté ? « Nous avons aussi le droit de vivre dans la communauté avec la même valeur que les autres », lance-t-elle, son voice portant l’espoir et la colère de tant d’autres.
Le milieu scolaire, censé être un lieu d’épanouissement et d’apprentissage, se transforme souvent en cage de préjugés pour ces adolescentes. La parole des filles en situation de handicap y est systématiquement dénigrée, leur opinion minorée, leur potentiel ignoré. Cette discrimination des jeunes filles handicapées à Beni n’est-elle pas le reflet d’une société qui reste à éduquer ?
Pourtant, derrière ces récits douloureux, une lueur d’espoir persiste. Les autorités locales ont signé un acte d’engagement solennel pour la protection et la promotion des droits de la jeune fille dans la province. Cet engagement marque-t-il un tournant dans la lutte pour les droits des personnes handicapées au Nord-Kivu ? Seul l’avenir nous le dira, mais c’est un premier pas crucial vers l’inclusion sociale en RDC.
La route reste longue pour atteindre une véritable inclusion. Les participants à cette journée de réflexion l’ont bien compris : il faut intensifier la sensibilisation dans les écoles, les églises et les communautés. Comment espérer changer les mentalités sans une éducation massive aux valeurs d’acceptation et de respect ?
Les moqueries envers les élèves handicapés au Congo ne sont pas une fatalité. Elles sont le fruit de l’ignorance et des stéréotypes profondément ancrés. La transformation doit commencer dès le plus jeune âge, dans les salles de classe où se forge la société de demain. Les initiatives comme cette journée de la jeune fille à Beni sont essentielles, mais elles ne suffisent pas.
Que ressent une adolescente quand on lui signifie quotidiennement qu’elle vaut moins que les autres ? Quelle est l’impact sur son estime personnelle, sur ses rêves, sur sa construction identitaire ? Ces questions devraient nous hanter tant qu’aucune solution durable n’aura été trouvée.
L’inclusion sociale en RDC passe nécessairement par la reconnaissance des droits des personnes les plus vulnérables. Les jeunes filles en situation de handicap ne demandent pas la pitié, mais l’égalité des chances. Elles réclament simplement le droit d’exister pleinement, sans avoir à justifier leur place dans la société.
Alors que le soleil se couchait sur Beni ce 25 novembre 2025, une certesse émergeait : le combat pour la dignité des jeunes filles handicapées venait de gagner en visibilité. Mais le travail ne fait que commencer. La véritable victoire interviendra quand aucune Abigael n’aura plus besoin de monter sur une estrade pour réclamer le droit élémentaire au respect.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
