Des centaines de femmes défilent dans les rues de Bunia, brandissant des banderoles où se mêlent colère et espoir. « Stop aux violences », « Non à la banalisation et à l’impunité des violences numériques » : ces slogans résonnent comme un cri du cœur dans une province meurtrie par les conflits. Leur combat ? Transformer l’outil numérique, souvent vecteur de haine, en instrument de paix et de dignité humaine.
Comment les réseaux sociaux peuvent-ils devenir des armes de destruction massive contre la dignité des femmes en Ituri ? Cette question hante les participantes de la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles. Alors que la RDC fait face à une recrudescence des violences basées sur le genre, les violences numériques ajoutent une dimension inquiétante à ce fléau persistant.
« Avec les réseaux sociaux, n’accentuons pas la haine », implore Jeanne Alasha, conseillère du gouverneur en charge du genre. Sa voix porte la gravité de celles qui ont vu l’outil numérique détourné de sa vocation première. « Les réseaux sociaux ne doivent pas nous diviser. Mais ils doivent être un instrument pour partager les messages de paix. » Un plaidoyer qui trouve un écho particulier dans cette région où les tensions communautaires ont trop souvent débordé sur la toile.
Les témoignages se succèdent, dépeignant une réalité glaçante. Des photos intimes de femmes et de filles diffusées sans consentement, des campagnes de dénigrement orchestrées sur WhatsApp et Facebook, des menaces voilées qui poussent certaines à l’autocensure. Blandine Zawadi, de l’Association des mamans pour le développement et la paix, ne mâche pas ses mots : « Ces publications constituent des violations flagrantes des droits humains. »
Quel avenir pour une jeune fille dont l’image est souillée sur la place publique numérique ? Comment reconstruire sa dignité quand son intimité devient un spectacle pour des milliers d’inconnus ? Ces interrogations traversent la mobilisation des femmes de l’Ituri, déterminées à briser le silence autour des violences numériques.
La solution pourrait bien se trouver dans la nouvelle loi sur le numérique en RDC. Les organisations féminines appellent les autorités judiciaires à l’appliquer avec fermeté contre les auteurs de ces violences. Une demande qui s’inscrit dans une démarche plus large de responsabilisation des utilisateurs des plateformes numériques.
Au-delà de la répression, c’est une véritable éducation au numérique que réclament ces femmes visionnaires. Elles imaginent des réseaux sociaux où circuleraient des messages de coexistence pacifique, où les débats d’idées remplaceraient les invectives, où la diversité des opinions s’exprimerait dans le respect mutuel.
Leur engagement dépasse le simple cadre des 16 jours d’activisme. Il s’agit d’un mouvement profond qui cherche à réconcilier la technologie avec les valeurs humaines fondamentales. Dans une région où le numérique pénètre rapidement toutes les couches de la société, cette initiative pourrait préfigurer un changement de paradigme essentiel.
La route sera longue, les résistances nombreuses. Mais ces femmes de l’Ituri portent en elles une conviction inébranlable : le numérique peut être un allié dans la construction de la paix plutôt qu’un instrument de division. Leur combat pour la dignité des femmes dans l’espace digital pourrait bien inspirer d’autres régions de la RDC confrontées aux mêmes défis.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
