Dans les salles de classe vides des territoires de Mweka, Luebo, Ilebo et Dekese, le silence remplace désormais le bruit habituel des apprentissages. Depuis 72 heures, plus de 30 000 élèves se retrouvent privés d’éducation suite au mouvement de grève déclenché par les enseignants de la province éducationnelle Kasaï 2. Comment en est-on arrivé à cette situation critique où l’avenir éducatif d’une génération se trouve compromis ?
La colère des enseignants congolais du Kasaï Central s’exprime par une grève sèche initiée depuis mercredi dernier. Leur revendication principale : le paiement de trois mois d’arriérés de salaire correspondant aux mois de septembre, octobre et novembre 2025. Face à cette impasse financière, les éducateurs ont choisi la solution radicale de suspendre toutes les activités pédagogiques, laissant les établissements scolaires dans un vide préoccupant.
La Fédération nationale des enseignants du Congo (FENECO), section du Kasaï, monte au créneau pour défendre les droits de ses membres. Félicien Lobo Muamba, président de la FENECO Kasaï, alerte sur les conséquences désastreuses de cette situation : « Nous remontons au créneau pour solliciter l’implication du gouvernement central afin de remettre les enseignants dans leurs droits concernant leur paie des trois mois de salaire ». Son inquiétude principale ? L’impact inévitable sur le calendrier scolaire RDC déjà fragile dans cette région.
Comment expliquer que des professionnels de l’éducation en soient réduits à devoir cesser leur travail pour obtenir leur dû ? La question se pose avec acuité alors que la Caritas du diocèse de Luebo, structure habituellement chargée du paiement des enseignants, a tenté une solution partielle en versant un mois de salaire. Une proposition rejetée par les enseignants qui réclament la totalité des arriérés salariaux. Ce refus témoigne de l’exaspération grandissante d’un corps professoral souvent confronté à des retards de paiement récurrents.
Basile Mbanza, coordinateur de la Nouvelle société civile de Luebo, exprime une position nuancée face à cette crise éducative au Kasaï Central. S’il reconnaît le droit légitime des enseignants à réclamer leur salaire, il s’inquiète des répercussions sur la formation des enfants. « Nous comprenons la détresse des enseignants, mais nous devons aussi penser à l’avenir de nos enfants », confie-t-il, tout en lançant un appel au dialogue entre les différentes parties.
La situation actuelle dans la province éducationnelle Kasaï 2 interroge profondément sur la place accordée à l’éducation dans les priorités nationales. Alors que les arriérés de salaire des enseignants RDC s’accumulent, c’est tout le système éducatif qui vacille. Les établissements scolaires, normalement lieux de savoir et d’épanouissement, se transforment en symboles silencieux d’une crise plus large.
Quelles solutions envisager pour sortir de cette impasse ? La FENECO Kasaï mise sur la mobilisation du gouvernement central, seul capable selon elle de débloquer la situation. Mais au-delà de la résolution immédiate de ce conflit, c’est la question structurelle du financement de l’éducation en RDC qui se pose avec urgence. Comment garantir une éducation de qualité lorsque ceux qui la dispensent doivent régulièrement lutter pour leur survie économique ?
Alors que les jours passent et que les salles de classe restent vides, l’urgence d’une solution se fait plus pressante. Le risque de voir une année scolaire complètement compromise plane au-dessus des territoires concernés. Dans cette région du Kasaï Central, l’éducation semble suspendue à la résolution d’un conflit qui dépasse le simple cadre salarial pour toucher à la conception même de l’école congolaise.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
