La Cour d’assises de Paris a rendu une décision cruciale en rejetant l’exception de compétence soulevée par l’ancien député et ex-ministre congolais Roger Lumbala Tshitenga, confirmant ainsi que la justice française est légitime pour examiner les accusations de crimes internationaux portées contre lui. Cette décision marque un tournant décisif dans cette affaire emblématique de compétence universelle appliquée aux crimes commis en République démocratique du Congo.
La Cour a méthodiquement examiné les arguments avancés par la défense et a considéré que le ministère public avait correctement procédé aux vérifications nécessaires lors de l’ouverture des poursuites en 2021. Il avait été établi l’absence de procédure devant la Cour pénale internationale ainsi que l’absence de demande d’extradition valable émanant des autorités congolaises à cette période. La juridiction française a jugé que des demandes ultérieures ne pouvaient remettre en cause ce constat initial, renforçant ainsi la position du parquet.
L’organisation TRIAL International, constituée partie civile dans cette procédure, a salué cette décision qu’elle qualifie d’étape déterminante permettant au procès de dépasser les objections préliminaires pour enfin entrer dans l’examen du fond de l’affaire. « Même si M. Lumbala a choisi de ne pas comparaître à l’audience, cette décision réaffirme avec force la solidité et la légitimité du processus judiciaire », a déclaré Daniele Perissi, soulignant que la compétence universelle constitue « le mécanisme qui donne enfin » du poids à la voix des victimes « qui attendent depuis vingt ans d’être entendues ».
Les avocats de Roger Lumbala maintiennent quant à eux leur contestation radicale de la légitimité de la justice française à juger leur client. L’ancien homme politique est poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité, incluant des meurtres, actes de torture et viols commis en 2002 et 2003 dans les régions de l’Ituri et du Nord-Kivu. La défense argue que la justice congolaise « fonctionne très bien aujourd’hui » et rappelle que l’État congolais a formulé à plusieurs reprises des demandes d’extradition.
Comment la justice française peut-elle légitimement juger des crimes commis sur le territoire congolais par un ressortissant congolais ? Cette question fondamentale traverse toute l’affaire et met en lumière les enjeux complexes de la compétence universelle. Les magistrats français estiment que l’absence de procédure effective en RDC et devant la CPI justifie leur intervention, tandis que la défense dénonce une ingérence dans les affaires judiciaires d’un État souverain.
Roger Lumbala Tshitenga, ancien dirigeant du RCD-N, mouvement armé actif durant la Seconde Guerre du Congo, a occupé les fonctions de ministre du Commerce entre 2003 et 2005 avant de se présenter à l’élection présidentielle de 2006. Les accusations portent sur sa complicité présumée dans des crimes contre l’humanité commis dans le cadre de l’opération « Effacer le tableau », une campagne militaire particulièrement violente qui aurait causé la mort de centaines de civils.
Le dossier d’accusation, particulièrement fourni, s’appuie sur des témoignages de victimes, des rapports d’organisations humanitaires et des documents internes qui établiraient le rôle central de l’ancien ministre dans la planification et l’exécution de ces crimes. Selon les éléments du dossier de presse, Roger Lumbala encourt la réclusion criminelle à perpétuité s’il était reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés.
Cette affaire Lumbala à Paris représente un test significatif pour le principe de compétence universelle en matière de crimes internationaux. Elle pose des questions fondamentales sur la capacité des juridictions nationales à juger des crimes commis à l’étranger lorsque les États concernés semblent incapables ou réticents à le faire. La décision de la Cour d’assises de Paris ouvre la voie à un examen approfondi des preuves et des témoignages, promettant un procès historique qui pourrait établir des précédents importants pour la justice internationale.
Les prochaines étapes du procès verront l’audition des témoins et l’examen détaillé des éléments à charge et à décharge. Les victimes et leurs familles, qui attendent justice depuis près de deux décennies, suivront avec une attention particulière le déroulement de cette procédure hors norme. L’issue de ce procès Roger Lumbala en France sera scrutée par l’ensemble de la communauté internationale et pourrait influencer l’avenir des poursuites pour crimes contre l’humanité commis en RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
