Le visage creusé par la faim, les yeux perdus dans le vide, des centaines d’enfants errent dans les rues de Beni, symboles vivants d’une enfance bafouée. «Je n’ai plus vu mes parents depuis que nous avons fui notre village», confie timidement Jean, 9 ans, rencontré près du marché de Mulekera. Comme lui, des milliers d’enfants du Nord-Kivu paient le prix fort de l’insécurité persistante qui ravage la région.
À l’occasion de la journée internationale de l’Enfance célébrée ce 20 novembre, le constat dressé par le bureau Genre, famille et enfant de Beni est alarmant. Les droits des enfants dans cette partie de la République Démocratique du Congo sont systématiquement violés, piétinés par une crise sécuritaire qui n’en finit pas. Ruth Sabuni, responsable de cette structure, ne mâche pas ses mots pour décrire l’ampleur de la catastrophe humanitaire.
«Les déplacements massifs de populations liés aux affrontements entre groupes armés créent des conditions propices aux pires violations des droits enfants», déplore-t-elle. Le tableau qu’elle dresse est sombre : viols, exploitation économique, abandon familial, enfants séparés de leurs parents… La liste des sévices subis par les plus vulnérables semble interminable. Comment en est-on arrivé à cette situation où l’innocence childhood est ainsi sacrifiée sur l’autel des conflits armés ?
L’insécurité à Beni et ses environs a engendré un phénomène particulièrement préoccupant : l’exploitation économique des enfants. Contraints de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles déplacées, ces enfants voient leur droit à l’éducation et à l’épanouissement personnel volé. «Beaucoup d’enfants que nous rencontrons dans les sites de déplacement nous racontent qu’ils doivent travailler dans des champs ou vendre des marchandises au marché pour aider leurs parents», témoigne un agent de protection de l’enfance.
Le système éducatif, déjà fragile, subit de plein fouet les conséquences de cette crise. Des centaines d’écoles ont fermé leurs portes, privant des milliers d’enfants d’accès à l’éducation. Ceux qui ont la chance de pouvoir encore étudier le font dans des conditions précaires, sous la menace permanente des groupes armés. Le recrutement forcé des enfants par ces mêmes groupes représente une épée de Damoclès suspendue au-dessus de chaque famille.
La situation sanitaire n’est pas plus reluisante. La malnutrition frappe durement les enfants déplacés, tandis que l’accès aux soins de santé de base et à la prise en charge psychologique reste un luxe inaccessible pour la majorité. Comment reconstruire un avenir lorsque les fondations mêmes de l’enfance sont ainsi ébranlées ?
Face à cette crise multidimensionnelle, la réponse humanitaire tente de s’organiser. La MONUSCO et les partenaires de la protection de l’enfance coordonnent leurs efforts, mais les défis semblent souvent insurmontables. «Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens disponibles, mais les besoins dépassent largement nos capacités d’intervention», reconnaît un humanitaire sous couvert d’anonymat.
Les violations droits enfant RDC, particulièrement dans le Nord-Kivu, interrogent la capacité de la communauté internationale à protéger les plus vulnérables. Les déplacements populations Beni continuent d’alimenter ce cercle vicieux de violations, tandis que l’exploitation économique enfants devient une stratégie de survie pour des familles entières.
Au-delà de l’urgence humanitaire, c’est l’avenir même de toute une génération qui se joue dans les collines du Nord-Kivu. Sans éducation, sans protection, sans soins adequats, que deviendront ces enfants marqués à jamais par les traumatismes de la guerre ? La question mérite plus qu’une simple journée de commémoration – elle exige une action concertée et déterminée pour mettre fin à cette hémorragie silencieuse.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
