La chirurgie esthétique connaît une popularité croissante à Kinshasa, portée par l’influence des réseaux sociaux et l’émergence de cliniques parfois informelles. Dans ce paysage médical en transformation, le Dr Richard Batiteyau Kelekele, l’un des pionniers de cette spécialité en République Démocratique du Congo, partage son expérience et ses mises en garde.
Âgé de 76 ans, le docteur Batiteyau retrace un parcours exceptionnel qui a débuté dans les années 1980. Après son diplôme d’État en 1987, il entreprend des études de médecine à l’Université Lovanium, aujourd’hui Université de Kinshasa. C’est à l’hôpital Mama Yemo, actuel Centre Hospitalier Universitaire de la Renaissance, que sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’un médecin belge, Paul Wylok, remarque ses aptitudes particulières pour l’esthétique médicale.
« Pendant les séances d’intervention, il a détecté que j’avais une touche spéciale pour l’esthétique et m’a proposé une formation complète en Belgique », se souvient le septuagénaire. Cinq années d’études spécialisées, suivies d’une année supplémentaire en chirurgie plastique et esthétique, ont forgé l’expertise de ce précurseur congolais.
À son retour au pays, alors encore appelé Zaïre, le Dr Batiteyau rejoint Mama Yemo où il traite principalement des cas de blessures, de malformations et de fentes labiales. La chirurgie purement esthétique reste marginale, la majorité des patients préférant alors se rendre à l’étranger pour ce type d’interventions.
Face à la vétusté croissante des infrastructures hospitalières, le médecin fonde en 2010 son propre centre médical sur l’avenue Tshela, dans la commune de Kinshasa. « Au début, j’étais locataire. Quelques années plus tard, j’ai pu acquérir la parcelle et l’aménager selon mes besoins professionnels », explique-t-il.
Mais comment expliquer que malgré l’existence d’une expertise locale, les patientes congolaises continuent de privilégier l’étranger pour leurs interventions esthétiques ? Le chirurgien apporte une réponse nuancée : « Même si l’expertise existe aujourd’hui, les opérations nécessitent des moyens considérables. Dans mon parcours, j’ai réalisé une dizaine d’interventions esthétiques complètes, mais jamais dans ce centre ».
La demande connaît pourtant une nette progression, stimulée par les standards de beauté véhiculés sur les réseaux sociaux. Cette popularité croissante s’accompagne malheureusement de l’émergence de pratiques informelles préoccupantes. Le Dr Batiteyau alerte : « Je ne connais pas de clinique officiellement reconnue pour la chirurgie esthétique à Kinshasa. C’est un domaine libéral, et seul l’État ou l’Ordre des médecins peuvent réguler de telles structures ».
Quels sont les réels dangers de ces pratiques non encadrées ? Le spécialiste insiste sur l’impérieuse nécessité de conditions d’hygiène et d’équipements adéquats. « La chirurgie esthétique exige un niveau d’hygiène maximal. À la moindre erreur, une infection peut se propager dans tout l’organisme. J’ai personnellement observé un patient en Europe hospitalisé pendant deux années suite à des complications ».
Le matériel utilisé représente un autre critère essentiel de sécurité. Dans de nombreuses structures informelles, l’équipement ne répond pas aux standards internationaux, augmentant significativement les risques pour les patients. « Dans mon centre, ces conditions optimales ne sont pas toujours réunies », reconnaît humblement le praticien.
Après des décennies de pratique, le Dr Batiteyau peut se prévaloir d’avoir formé neuf autres médecins à l’étranger, même si seulement deux ont achevé leur spécialisation. Aujourd’hui, son message aux femmes congolaises se veut avant tout prudentiel : avant toute intervention esthétique, il convient de s’assurer scrupuleusement de la compétence du praticien et de la qualité du matériel utilisé.
« La beauté ne doit jamais coûter la vie », martèle-t-il, rappelant que chaque acte chirurgical, même mineur en apparence, comporte des risques potentiels. Son expérience lui permet d’affirmer que le choix du professionnel et la vérification de ses qualifications constituent la première étape indispensable vers une chirurgie esthétique sécurisée.
Alors que les pratiques médicales à Kinshasa continuent d’évoluer, le témoignage de ce pionnier de la chirurgie esthétique en RDC sert de guide précieux pour naviguer dans un domaine où l’engouement ne doit pas faire oublier les impératifs de sécurité et de professionnalisme.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
