La province du Sud-Kivu traverse actuellement l’une des crises sanitaires les plus graves de son histoire récente. Trois épidémies majeures frappent simultanément la région, créant une situation d’urgence médicale sans précédent. Comment une province entière peut-elle faire face à un tel défi sanitaire dans un contexte déjà marqué par l’insécurité et les déplacements de population ?
Selon les dernières données officielles compilées entre janvier et octobre 2025, le bilan est alarmant : près de 37 000 cas cumulés pour les trois maladies, avec plus de 256 décès enregistrés. La rougeole reste particulièrement meurtrière avec 7 961 cas et 164 décès, affichant un taux de létalité inquiétant de 2,06%. Cette maladie, pourtant évitable par la vaccination, continue de faucher des vies dans 21 zones de santé différentes de la province.
Le Mpox, anciennement connu sous le nom de variole du singe, représente la plus importante vague épidémique avec 19 011 cas confirmés. Bien que son taux de létalité soit plus faible (0,69%), l’ampleur de la propagation dans 34 zones de santé différentes soulève des questions sur les capacités de contrôle épidémique. Le choléra, quant à lui, a touché 10 900 personnes et causé 75 décès, principalement dans les zones où l’accès à l’eau potable reste problématique.
Mais la menace ne s’arrête pas là. Les autorités sanitaires alertent sur l’émergence d’une quatrième épidémie : la poliomyélite, confirmée par des analyses en laboratoire. Cette découverte a conduit au classement de la province en zone à haut risque, nécessitant une riposte vaccinale urgente dans un contexte sécuritaire déjà extrêmement fragile.
Le Dr Aimé Alengo Odudu, médecin chef de division provinciale de la santé, ne cache pas son inquiétude. « Le grand défi, c’est la prise en charge. Il y a un réel problème de disponibilité des médicaments, notamment pour les enfants de moins de 5 ans. Même organiser des ripostes devient difficile dans le contexte actuel », explique-t-il. Ces propos révèlent l’ampleur des difficultés opérationnelles auxquelles font face les équipes médicales sur le terrain.
La situation sécuritaire complique considérablement la réponse sanitaire. Plusieurs entités de la province, dont la ville de Bukavu, sont sous occupation de la rébellion du M23-AFC, rendant l’accès aux populations vulnérables extrêmement difficile. Comment vacciner des enfants quand les routes sont coupées et les centres de santé inaccessibles ? Comment organiser des campagnes de prévention quand le personnel médical doit lui-même fuir les combats ?
Face à cette crise sanitaire multidimensionnelle, les autorités provinciales lancent un appel urgent à la mobilisation des partenaires humanitaires et techniques. Trois priorités émergent : renforcer les capacités de riposte, approvisionner les structures de santé en médicaments essentiels, et protéger les populations les plus vulnérables, particulièrement les enfants.
La crise du Sud-Kivu illustre de manière criante les défis croissants de santé publique dans les zones touchées par l’insécurité. Elle démontre comment les déplacements de population, le manque de ressources médicales et la fragmentation des territoires peuvent créer des conditions propices à l’émergence et à la propagation rapide de multiples épidémies. Cette situation appelle à une réponse coordonnée et massive pour éviter que le pire ne se produise.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
