La capitale congolaise a servi de cadre, ce samedi 25 octobre, à une initiative inédite : les premières journées de réflexion consacrées au développement de Shabunda. Cette démarche, portée par les notables de ce territoire du Sud-Kivu, révèle une prise de conscience aiguë des paradoxes qui caractérisent cette région. Comment expliquer qu’un territoire si riche en ressources naturelles puisse figurer parmi les plus marginalisés du pays ?
Les participants ont placé l’électrification du territoire au cœur des priorités, considérant cette infrastructure comme le catalyseur indispensable à la modernisation agricole et à la valorisation des richesses minières. Sans énergie fiable, peut-on véritablement parler de développement économique ? La question reste en suspens, tant les défis infrastructurels apparaissent immenses.
Le problème de l’enclavement de Shabunda a fait l’objet de débats nourris. Les routes, lorsqu’elles existent, constituent souvent des obstacles plutôt que des vecteurs de croissance. La réhabilitation et le désengorgement du réseau routier s’imposent comme une condition sine qua non pour rompre l’isolement et stimuler les échanges commerciaux. Les participants ont souligné l’urgence d’une intervention structurelle dans ce domaine.
Dodo Lutombo Issanda, initiateur de ces assises, n’a pas mâché ses mots pour dépeindre la situation. « Depuis l’indépendance en 1960, le territoire de Shabunda, en dépit de ses richesses naturelles, sol et sous-sol, et humaines, ne parvient pas à les mettre en exergue pour décoller », a-t-il déploré. Son analyse pointe du doigt un paradoxe congolais bien connu : l’abondance des ressources contrastant avec la pauvreté des populations.
Le constat dressé par M. Issanda prend des allures de réquisitoire. « Ce territoire compte aujourd’hui parmi les derniers de ce pays, alors qu’il a une superficie de 25.216 km². C’est un territoire pays, le grenier du Sud-Kivu, mais nous sommes délaissés. Aucun fils de Shabunda n’est à la commande, aucun fils de Shabunda n’est aux institutions de la République. » Ce plaidoyer traduit une frustration grandissante face à ce qui est perçu comme une marginalisation politique systémique.
L’appel à l’unité lancé par l’initiateur des journées de réflexion Shabunda révèle une stratégie nouvelle : plutôt que de s’en remettre exclusivement aux autorités centrales, les élites locales entendent prendre leur destin en main. « Nous pouvons croire que la cause vient d’ailleurs, alors que nous-mêmes nous pouvons constituer la cause », a reconnu M. Issanda, marquant ainsi une forme d’autocritique salutaire.
La création d’un cadre permanent de réflexion constitue l’une des principales avancées de ces assises. Cette structure devra préparer la deuxième édition des journées de réflexion prévue en 2026, mais surtout, elle aura pour mission de transformer les discours en actions concrètes. Le défi consiste désormais à maintenir la mobilisation et à éviter que ces bonnes résolutions ne se dissipent avec le temps.
La tenue de ces journées à Kinshasa n’est pas anodine. Elle reflète une volonté d’interpeller directement les décideurs politiques là où se concentrent les leviers de pouvoir. Cette approche témoigne d’une maturité politique certaine, mais soulève également une question fondamentale : les autorités congolaises sauront-elles entendre ce cri du cœur venu de Shabunda ?
Le chemin vers le développement Shabunda apparaît semé d’embûches, mais la détermination affichée lors de ces premières journées de réflexion laisse entrevoir un frémissement d’espoir. Reste à savoir si cette dynamique parviendra à s’inscrire dans la durée et à produire les transformations tant attendues par les populations de ce territoire oublié.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
