La classe politique congolaise est confrontée à une initiative législative qui pourrait redéfinir les contours de la gouvernance sécuritaire. Le député Trésor Lutala Mutiki a officiellement lancé, ce lundi 20 octobre, une campagne de vulgarisation pour sa proposition de loi visant à exclure les anciens animateurs de mouvements insurrectionnels des institutions de sécurité nationale RDC. Cette démarche, présentée comme républicaine, soulève des questions fondamentales sur la reconstruction de l’État de droit.
L’élu de Mwenga, dans le Sud-Kivu, justifie son initiative par l’impératif de consolidation de la sécurité nationale et de restauration de la confiance citoyenne. « En tant qu’élu du peuple et ressortissant d’une région meurtrie par des conflits récurrents, j’ai estimé qu’il était de mon devoir d’initier cette proposition de loi afin que ceux qui ont les mains tachées de sang ne puissent plus diriger nos institutions », a déclaré le parlementaire lors d’un déjeuner de presse. Cette déclaration interpelle sur la compatibilité entre passé insurrectionnel et responsabilités sécuritaires.
La proposition de loi sécurité, composée de 29 articles répartis en six chapitres, se veut préventive et dissuasive sans effet rétroactif. Le député Mutiki insiste sur son caractère prospectif : « La loi que j’ai initiée n’est pas rétroactive. Elle prévient les prochains faussaires, dissuade et renforce la loyauté républicaine ». Cette approche évite soigneusement les règlements de comptes tout en traçant une ligne rouge pour l’avenir.
Mais cette initiative législative soulève des interrogations stratégiques. Le timing de cette campagne de vulgarisation, les alliances parlementaires qu’elle suppose et sa réception dans l’arène politique congolaise constituent autant d’enjeux délicats. Le député a lancé un appel à ses collègues parlementaires et à la population, qualifiant sa démarche de « républicaine et patriotique ». « Le patriotisme ne se chante pas et ne se décrète pas. Il se démontre par nos actes », a-t-il plaidé, dans une formule qui pourrait résonner comme un reproche voilé à certaines pratiques politiques.
L’initiative du député Mutiki s’inscrit dans un contexte sécuritaire complexe où la confiance entre population et institutions reste fragile. La proposition d’interdiction des insurrectionnels dans les services de sécurité répond à une exigence de moralisation de la vie publique. Cependant, sa mise en œuvre pratique pourrait rencontrer des résistances institutionnelles. Comment définir précisément un « animateur de mouvement insurrectionnel » ? Quelles garanties contre d’éventuels instrumentalisations politiques ?
La loi Mutiki, si elle est adoptée, représenterait un tournant dans la gestion des carrières au sein des appareils de sécurité. Son promoteur y voit un outil de « renforcement de la loyauté envers la République » et de contribution à « la paix durable et la justice ». Reste à savoir si le parlement congolais, dans sa diversité politique, partagera cette vision. Les prochaines semaines révèleront le niveau d’adhésion à cette proposition qui touche à des équilibres sensibles du pouvoir.
Au-delà des aspects techniques, cette initiative interroge la capacité de la classe politique à opérer des réformes structurelles. La proposition de loi sécurité de Lutala Mutiki teste les limites du consensus républicain dans un pays en reconstruction institutionnelle. Son parcours législatif sera observé comme un indicateur de la maturité démocratique des institutions congolaises et de leur capacité à se réformer de l’intérieur.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd