Le regard perdu vers l’horizon, Berckmans Mawedide contemple l’abri de six mètres sur quatre qui sert de maison à sa famille depuis des mois. « Nous n’avons pas d’eau, nous manquons à manger, nous manquons de latrines, nous n’avons pas de travail », confie-t-il, la voix brisée par l’épreuve. Comme des milliers d’autres déplacés guerre Sud-Kivu, sa vie a basculé du jour au lendemain.
Quatre de ses enfants fréquentent encore l’école primaire où la scolarité est gratuite, mais leur père n’a même pas les moyens de leur acheter des uniformes. « Je suis incapable d’acheter les uniformes pour les enfants », avoue-t-il, honteusement. Cette situation reflète la terrible précarité qui frappe les familles sur le site de Katanika 2, en périphérie de Kalemie dans la province du Tanganyika.
La promiscuité règne en maître dans ce camp de fortune où des centaines de familles se partagent quelques latrines. Comment survivre dans de telles conditions ? Les personnes déplacées dorment sur des sacs ou à même le sol, faute de matelas. « Nous avons enregistré des cas d’avortement chez des femmes à la suite de ces conditions difficiles », révèle Berckmans, peintre de formation et agriculteur avant que le conflit ne le réduise à cette extrême vulnérabilité.
Avril dernier marque un tournant tragique dans l’histoire de ces familles. Lorsque la rébellion de l’AFC/M23 s’est approchée de leurs villages, la fuite est devenue la seule option pour sauver leurs vies. Direction Kalemie, où on les a orientés vers le site de Katanika 2. C’est ici qu’ils découvrent, souvent pour la première fois, l’amère réalité de la vie de déplacé.
La crise humanitaire Tanganyika prend ainsi un visage concret : celui de parents impuissants devant les besoins élémentaires de leurs enfants, celui de femmes confrontées à des grossesses impossibles à mener à terme, celui d’hommes réduits à l’inaction dans un marché du travail déjà saturé. L’aide humanitaire RDC apparaît comme leur unique bouée de sauvetage, mais suffit-elle à répondre à l’ampleur des besoins ?
Les bâches fournies par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) offrent un maigre abri contre les intempéries, mais ne protègent pas de la détresse psychologique. Comment reconstruire une vie quand on a tout perdu ? Comment envisager l’avenir quand le présent se résume à une lutte quotidienne pour la survie ?
Les conditions vie Kalemie pour ces déplacés interrogent la capacité de réponse face à l’afflux massif de populations fuyant les violences. Le conflit M23 déplacés continue de générer des vagues successives de personnes déracinées, mettant sous tension les mécanismes d’assistance. La solidarité internationale et nationale parvient-elle à suivre le rythme effréné des déplacements forcés ?
Pourtant, au milieu de cette détresse, une lueur d’espoir persiste. De nombreux déplacés espèrent le retour de la paix pour pouvoir regagner leurs villages. Ils rêvent de retrouver leurs terres, leurs maisons, leur vie d’avant. Mais en attendant, la réalité est celle de Katanika 2 : un espace de survie où la dignité humaine est mise à rude épreuve chaque jour.
La situation dans les camps de déplacés du Tanganyika soulève des questions fondamentales sur la protection des civils en période de conflit. Jusqu’où peut-on tolérer que des familles entières vivent dans des conditions aussi précaires ? Quelle réponse durable peut-on apporter à cette crise humanitaire Tanganyika qui semble s’installer dans la durée ?
Alors que la nuit tombe sur Katanika 2, Berckmans et sa famille se préparent à affronter une nouvelle nuit sur leur sol de fortune. Leur histoire n’est malheureusement pas unique, mais elle rappelle avec force l’urgence d’une action humanitaire coordonnée et d’une solution politique durable aux conflits qui déchirent l’Est de la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net