La ville de Kisangani a été le théâtre ce mercredi 8 octobre d’une violente répression contre une marche pacifique organisée par des mouvements citoyens. Cette manifestation visait à réclamer la libération de Jedidia Mabela, militant de la Lucha condamné à six mois de prison pour avoir dénoncé l’utilisation abusive de fonds publics par le gouverneur de la Tshopo afin de financer les concerts de l’artiste Rebo.
Dès les premières heures de la matinée, les forces de l’ordre avaient déployé un dispositif impressionnant dans le centre-ville, particulièrement au rond-point du Canon, dans ce qui apparaît comme une tentative manifeste d’étouffer dans l’œuf toute velléité de protestation. Mais la synergie des mouvements citoyens, déjouant cette stratégie d’intimidation, a choisi de lancer sa marche depuis le rond-point ACKIS, à environ 600 mètres du Gouvernorat provincial.
Que signifie cette condamnation d’un militant pour simple dénonciation de détournement présumé ? La question plane au-dessus de cette affaire qui dépasse largement le cas individuel pour interroger l’état des libertés démocratiques dans la province. Les manifestants, brandissant des calicots et scandant des chants en faveur de la libération de Jedidia Mabela, incarnaient cette inquiétude grandissante face à ce qui ressemble à une criminalisation de la dissidence.
La situation a brutalement dégénéré à l’approche du Gouvernorat de la Tshopo. Des jeunes en tenue civile, dont l’identité et les motivations restent troubles, ont physiquement attaqué les marcheurs pacifiques. Scènes de violence inouïe : militants de la Lucha, de Filimbi et simples citoyens traînés au sol, bastonnés, agressés verbalement sous le regard impuissant des policiers commis à la sécurité du Gouvernorat.
Comment expliquer cette incapacité des forces de l’ordre à protéger des citoyens exerçant leur droit constitutionnel à manifester ? L’arrivée tardive des jeeps de police, intervenant seulement après une quinzaine de minutes de violence, pour procéder non pas à l’interpellation des agresseurs mais à celle des militants sous les coups de fouet, soulève de sérieuses interrogations sur l’impartialité des autorités.
La stratégie du pouvoir provincial semble se dessiner en filigrane : alors que la synergie des mouvements citoyens avait régulièrement saisi les autorités urbaines pour cette marche, un groupe affilié au Gouverneur avait annoncé 24 heures auparavant une contre-manifestation empruntant exactement les mêmes itinéraires. Coïncidence troublante ou manœuvre délibérée de saturation de l’espace public ?
Le gouvernement provincial joue-t-il un jeu dangereux en instrumentalisant la justice pour réduire au silence les voix critiques ? La condamnation de Jedidia Mabela pour son audace à questionner l’utilisation des deniers publics destinés aux concerts de Rebo à Kisangani crée un précédent inquiétant. Faut-il y voir une tentative d’intimidation plus large visant à décourager toute velléité de contrôle citoyen sur la gestion des finances provinciales ?
Cette répression manifestation Tshopo intervient dans un contexte où la gestion des fonds publics suscite de vives interrogations. Le choix d’investir dans des concerts plutôt que dans des services sociaux essentiels mériterait pourtant un débat public apaisé, non une criminalisation de ceux qui osent poser des questions légitimes.
Les prochains jours seront déterminants pour mesurer la capacité des autorités à apaiser les tensions. La libération conditionnelle de Jedidia Mabela pourrait-elle désamorcer une crise qui dépasse largement son cas personnel ? Ou au contraire, la persistance dans cette logique répressive risque-t-elle d’enflammer durablement une jeunesse en quête de redevabilité et de transparence ?
Alors que Kisangani marche pacifique s’est transformée en champ de confrontation, c’est tout l’équilibre démocratique de la province qui semble vaciller. La réponse des autorités à cette crise sera scrutée à la loupe, tant par la société civile locale que par les observateurs nationaux et internationaux attentifs au respect des droits fondamentaux en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd