Vingt-cinq ans après son rappel à Dieu, la flamme allumée par Monseigneur Emmanuel Kataliko continue de briller dans le cœur des Congolais. Comment un homme peut-il marquer à ce point l’histoire d’une nation tout entière ? La réponse se lit dans les yeux des fidèles rassemblés ce week-end à Bukavu, Butembo et Lubero, unis dans un même hommage à celui qui demeure le symbole de la résistance spirituelle face à l’oppression.
À Bukavu, ce samedi 4 octobre 2025, la cathédrale vibrait au son des prières portées par l’archevêque François-Xavier Maroy. Dans son homélie, le prélat a ressuscité la voix prophétique de Kataliko, reprenant ses mots comme un antidote à la résignation : « Ne vous laissez pas avaler. Et même si vous l’êtes, ne vous laissez pas digérer. » Des paroles qui résonnent avec une troublante actualité dans une RDC confrontée à l’exploitation de ses ressources et à la négation de sa dignité.
Le lendemain, à la cathédrale Mater Ecclesiae de Butembo, Monseigneur Paluku Sikuli Melchisédech appelait les fidèles à la persévérance. « La seule voie que nous sommes appelés à suivre, c’est de rester fermes dans notre foi, quelles que soient les difficultés », déclarait-il devant une assemblée visiblement émue. Son message soulignait l’impérieuse nécessité de poursuivre l’œuvre du défunt évêque, particulièrement dans les domaines de l’éducation, de la santé et du développement local.
La présence du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général-major Kakule Somo Évariste, donnait à cette commémoration une dimension à la fois spirituelle et politique. « Si quelqu’un m’avale, ma digestion ne sera vraiment pas chose facile », affirmait-il, reprenant métaphoriquement le combat de Kataliko contre les forces assimilatrices. Le gouverneur insistait sur la résilience et l’entrepreneuriat comme héritages vivants du prélat, citant en exemple l’Université Catholique du Graben parmi ses réalisations phares.
À Lubero, terre natale de Monseigneur Kataliko, la commémoration du 25e anniversaire de sa mort prenait des allures de fête populaire. Une caravane animée par une fanfare, encadrée par les forces de l’ordre, parcourait les rues de la paroisse Bon Pasteur. Les chrétiens, jeunes et vieux, manifestaient ainsi leur attachement indéfectible à celui qui, même dans la mort, continue de guider leurs pas.
Qui était donc cet homme dont la mémoire suscite un tel engouement un quart de siècle après son décès ? Né en 1932 à Lukole dans le territoire de Lubero, Emmanuel Kataliko fut ordonné prêtre à Rome en 1958 avant de devenir évêque en 1966. Pendant 31 ans, il dirigea le diocèse de Butembo-Beni avec une vision prophétique, avant d’être nommé archevêque de Bukavu en 1997, au plus fort des turbulences politiques.
Son exil forcé à Butembo par le RCD-Goma en 1998 deviendra le moment fondateur de son mythe moderne. Accusé de tenir des discours hostiles à la rébellion, transformé malgré lui en symbole de la résistance non-violente, Kataliko incarna la voix de ceux qu’on voulait réduire au silence. La mobilisation populaire pour son retour témoignait de l’ancrage profond de cet homme dans le cœur de son peuple.
Son décès, survenu le 4 octobre 2000 dans un hôpital près de Rome, seulement trois semaines après son retour d’exil, continue d’interroger les consciences. Officiellement attribué à un infarctus, sa mort soudaine alimente toujours des interrogations dans certains milieux à Bukavu. N’est-ce pas le lot des prophètes que de mourir dans des circonstances mystérieuses ?
Aujourd’hui, alors que la RDC traverse de nouvelles turbulences, le message de Monseigneur Emmanuel Kataliko retrouve une brûlante actualité. Son combat pour la dignité humaine, son refus de la résignation face aux puissances d’oppression, sa foi inébranlable dans les capacités du peuple congolais à se prendre en charge – tout cela constitue un héritage précieux pour les générations présentes et futures.
Les commémorations de ce 25e anniversaire de la mort de Monseigneur Kataliko dépassent le simple devoir de mémoire. Elles s’affirment comme un acte de résistance spirituelle, un rappel que les valeurs défendues par le prélat – foi, justice, dignité – demeurent le socle sur lequel peut se reconstruire une société congolaise plus juste et plus fraternelle. Dans un pays souvent meurtri, la flamme allumée par Kataliko continue de montrer le chemin.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd