Le visage creusé par l’angoisse, Pascal Serugendo montre son téléphone où s’affichent les promesses non tenues de Nyendawaragi. « J’avais déposé 800 dollars, toutes mes économies de deux années de travail comme mécanicien. On m’avait garanti un doublement en trois mois. Aujourd’hui, je ne peux même pas retirer mes fonds initiaux », confie-t-il, la voix brisée. Comme lui, des centaines d’habitants de Goma se retrouvent pris au piège d’une arnaque microfinance Goma qui fait des ravages dans la ville.
Le système semblait pourtant miraculeux : des rendements exceptionnels allant jusqu’à 100% en quelques semaines, à condition de recruter de nouveaux membres. Une mécanique bien huilée caractéristique d’un système pyramidal Nord-Kivu qui a séduit des commerçants, fonctionnaires et même des enseignants. « Ma sœur m’avait parrainé, j’ai investi 500 dollars pour payer la scolarité de mes trois enfants. Maintenant, je dois trouver une solution avant la rentrée », témoigne une mère de famille préférant garder l’anonymat.
Comment cette Nyendawaragi escroquerie a-t-elle pu se développer en toute impunité ? Les investigations révèlent une stratégie marketing agressive : réunions conviviales dans des salons privés, témoignages de « bénéficiaires » présumés, et surtout, la promesse de résoudre rapidement les problèmes financiers dans une région où l’économie formelle peine à répondre aux besoins de la population.
Les conséquences sont déjà palpables sur le tissu économique local. « Nous observons une diminution notable des transactions dans les petits commerces du centre-ville. Beaucoup de nos clients avaient investi dans ce système et n’ont plus de liquidités », constate David Kambale, gérant d’une épicerie du quartier de Keshero. Cette situation alarmante transforme progressivement les victimes économies RDC en une bombe sociale à retardement.
Face à cette crise, la société civile s’organise. « Nous avons recensé plus de 300 plaintes formelles, avec des montants variant entre 100 et 5 000 dollars. Le préjudice global dépasse probablement le million de dollars », alerte Claude Rugo, président du conseil communal de la jeunesse de Karisimbi. Son constat est sans appel : « Il s’agit d’une escroquerie en bande organisée qui profite de la détresse économique de nos concitoyens. »
Les tentatives de contact avec les responsables de Nyendawaragi restent vaines. Le message rassurant diffusé le 27 septembre dernier, affirmant que « l’institution ne connaît aucun problème de fonctionnement », sonne aujourd’hui comme une moquerie pour les investisseurs floués. Pendant ce temps, les bureaux de la microfinance sont fermés, les numéros de téléphone hors service.
La demande d’enquête microfinance frauduleuse se fait de plus en plus pressante. « Nous exigeons que la justice congolaise et les autorités de régulation financière interviennent rapidement pour identifier les responsables et geler leurs avoirs », insiste Me Sophie Bahati, avocate représentant plusieurs victimes. Selon elle, « l’urgence est de prévenir l’extension du phénomène à d’autres villes de la province ».
Au-delà du cas Nyendawaragi, cette affaire soulève des questions fondamentales sur la protection des épargnants en RDC. Comment expliquer que de tels systèmes puissent prospérer en toute impunité ? Quelles mesures préventives mettre en place pour éviter que de nouvelles familles ne tombent dans ces pièces financiers ? La réponse des autorités sera déterminante pour restaurer la confiance des citoyens dans les institutions.
En attendant, des familles entières doivent faire face à des conséquences dramatiques : enfants menacés de déscolarisation, projets professionnels anéantis, dettes accumulées. L’histoire de Nyendawaragi rappelle douloureusement que la quête de rendements miraculeux cache souvent des réalités beaucoup plus amères. Une leçon coûteuse pour une population déjà éprouvée par les défis économiques et sécuritaires de la région.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
