Le calvaire quotidien des Kinois prend des proportions dramatiques. Chaque matin, des milliers d’habitants de Kinshasa se préparent mentalement à affronter l’enfer des embouteillages qui paralysent la capitale congolaise. « Je quitte ma maison à 6h30 pour un trajet qui devrait normalement durer 30 minutes, mais je n’arrive au bureau qu’à 9h30, parfois 10h », témoigne Sarah, une employée de banque résidant à Matete. Son histoire résonne avec celle de millions de Kinois confrontés à une mobilité urbaine devenue « insoutenable », selon les propres termes du président Félix Tshisekedi.
Face à cette situation critique, le gouvernement a finalement présenté un plan d’action ambitieux lors de la 61e réunion du conseil des ministres. Jean-Pierre Bemba Gombo, Vice-Premier ministre chargé des Transports, a dressé un tableau sans concession des causes profondes de cette crise : croissance démographique galopante, réseaux routiers inadaptés, et concentration excessive des activités dans la commune de la Gombe. Mais comment en est-on arrivé à cette paralysie généralisée ?
Le constat est accablant : « Certains tronçons du réseau primaire sont discontinus, des sections du réseau secondaire sont déconnectées, forment des impasses », a déploré le ministre. La police de circulation routière, en déficit criant d’effectifs, ne parvient plus à imposer la discipline nécessaire. Le non-respect systématique du code de la route et l’absence de sanctions efficaces créent un cercle vicieux d’anarchie sur les routes.
Le plan gouvernemental se veut multidimensionnel, articulé autour de mesures à court, moyen et long terme. Immédiatement, un dispositif mixte associant la Police de Circulation Routière, la 14e région militaire et la Garde Républicaine sera déployé. Une brigade routière spéciale, formée et équipée, viendra renforcer les effectifs défaillants. Mais ces mesures suffiront-elles à juguler l’hémorragie ?
L’amélioration des infrastructures routières constitue l’autre pilier du plan. Le dégagement des marchés pirates et de tout encombrement obstruant les routes principales et carrefours est programmé. La création de ronds-points stratégiques, la réparation des nids-de-poule sur les axes les plus fréquentés, et l’établissement d’aires de repos sécurisées pour les chauffeurs le long de la nationale figurent parmi les actions concrètes annoncées.
La réorganisation de la circulation passera également par la création d’espaces dédiés aux points de chargement des taxis-motos à travers Kinshasa. Une mesure particulièrement attendue tant ces véhicules contribuent à la fois à la fluidité et à la congestion selon leur utilisation. L’homologation des véhicules en circulation et la fixation de l’âge limite d’importation à 15 ans, avec inspection obligatoire avant embarquement, visent à moderniser un parc automobile vieillissant.
Le projet le plus structurant reste la finalisation du tronçon ferroviaire Gare Centrale-Aéroport de Ndjili, ouvrant la voie au retour du train urbain. Une perspective qui redonne espoir à une population excédée par les échecs passés, comme la tentative avortée de « circulation alternée » qui avait aggravé la situation au lieu de l’améliorer.
L’Agence Congolaise des Grands Travaux a présenté des projets de construction de nouveaux axes destinés à « détendre la circulation dans toute la province de Kinshasa ». Mais les Kinois, meurtris par des années de promesses non tenues, restent prudents. Les embouteillages chroniques ne sont-ils pas le symptôme d’un mal plus profond, celui d’une urbanisation anarchique et d’une planification urbaine défaillante ?
Les conséquences de cette paralysie urbaine dépassent largement la simple perte de temps. Retards systématiques, baisse de productivité économique, augmentation du stress et dégradation de la qualité de vie : le coût social des embouteillages à Kinshasa devient insupportable pour une population déjà éprouvée par les difficultés quotidiennes.
La mobilisation au plus haut niveau de l’État, avec l’implication personnelle du chef de l’État, témoigne de l’urgence de la situation. Reste à savoir si ce plan opérationnel de lutte contre les embouteillages à Kinshasa sera mis en œuvre avec la détermination et les moyens nécessaires pour enfin offrir aux Kinois la mobilité urbaine qu’ils méritent. L’enjeu dépasse la simple fluidité du trafic : c’est l’avenir économique et social de la capitale congolaise qui se joue dans cette bataille contre la paralysie urbaine.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
