Dans les collines verdoyantes de Bukavu, une atmosphère particulière règne en ce mois d’octobre 2025. L’Église catholique de cette province du Sud-Kivu se recueille devant la mémoire de deux géants spirituels dont le sacrifice continue de résonner dans les consciences. L’archevêque Christophe Munzihirwa, tombé sous les balles des assaillants, et l’évêque Emmanuel Kataliko, emporté par les séquelles des persécutions subies, incarnent plus que jamais cette lumière dans les ténèbres des conflits qui ont ravagé l’Est de la République démocratique du Congo.
« Comment oublier ces hommes qui ont choisi de rester aux côtés de leur peuple quand d’autres fuyaient ? » s’interroge un fidèle rencontré devant la cathédrale de Bukavu. Son témoignage reflète cette gratitude collective qui transcende les générations. Ces deux figures ecclésiastiques ont payé de leur vie leur engagement pour la paix, la justice et cette cohésion sociale si fragile dans une région meurtrie.
L’abbé Justin Nkunzi, directeur de la Commission diocésaine Justice et Paix, porte aujourd’hui ce flambeau de mémoire. Lors d’une commémoration émouvante ce jeudi 2 octobre, sa voix s’est élevée pour appeler le peuple congolais, et particulièrement sa jeunesse, à s’inspirer de ces exemples de courage. « Ces prêtres n’étaient pas des hommes enfermés dans leurs sacristies, mais des promoteurs de paix dans leurs paroles et leurs actes quotidiens », souligne-t-il avec une conviction qui captive l’auditoire.
La commémoration des prêtres Bukavu dépasse le simple souvenir pour devenir un véritable projet pédagogique. L’abbé Nkunzi insiste sur l’importance d’intégrer ces témoignages dans les écoles, les églises et l’ensemble de la société congolaise. « Transmettre cette mémoire, c’est construire les fondations d’une paix durable dans notre région », affirme-t-il, conscient que sans racines, aucun arbre ne peut résister aux tempêtes.
Mais derrière ces hommages se cache une inquiétude profonde : celle de voir une jeunesse congolaise déconnectée des valeurs de sacrifice et d’engagement qui ont caractérisé ces martyrs. « Nous formons des têtes pleines mais des consciences vides », déplore l’abbé Nkunzi, pointant du doigt cette course effrénée vers le savoir technique au détriment de l’éducation morale. L’archevêque Christophe Munzihirwa, connu pour son courage exceptionnel, aurait certainement exhorté cette jeunesse à se réveiller et à s’engager activement pour le bien commun.
Dans les rues de Bukavu, les échos de cette commémoration résonnent différemment selon les générations. Pour les aînés qui ont vécu les heures sombres des conflits, Munzihirwa et Kataliko représentent ces phares dans la nuit des violences ethniques et politiques. Pour les plus jeunes, ces figures deviennent progressivement des symboles à redécouvrir, des modèles à imiter dans un contexte national toujours marqué par les défis sécuritaires.
La paix dans l’Est Congo reste-t-elle un objectif réalisable sans cet ancrage dans la mémoire collective ? La question plane au-dessus des cérémonies commémoratives. L’engagement de ces évêques pour la cohésion sociale Sud-Kivu apparaît plus que jamais d’actualité dans une région où les cicatrices des conflits peinent à se refermer complètement.
Au-delà des hommages officiels, c’est toute une communauté qui se réapproprie son histoire douloureuse. Les récits des derniers moments de l’archevêque Munzihirwa, son refus d’abandonner son peuple face au danger, ou les persécutions endurées par l’évêque Kataliko, deviennent autant de leçons de vie partagées entre parents et enfants.
« Ces commémorations soulignent non seulement l’importance de maintenir vivante la mémoire de ces martyrs, mais aussi la nécessité d’incarner leurs valeurs pour un avenir pacifique et uni en RDC », conclut l’abbé Nkunzi. Un message qui résonne comme un appel à la conscience nationale, invitant chaque Congolais à devenir à son tour un artisan de paix dans son milieu de vie.
Alors que le soleil se couche sur Bukavu, la question demeure : saurons-nous transformer ce devoir de mémoire en engagement concret pour bâtir cette cohésion sociale dont rêvaient ces hommes de Dieu ? La réponse se construira dans les cœurs et les actions de chaque citoyen, particulièrement parmi cette jeunesse congolaise appelée à relever les défis de son temps.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net